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formé de petites dalles minces, qui, en vertu des règlemens, devaient être mises de champ afin de présenter plus de solidité ; mais les propriétaires obligés d’entretenir à leurs frais la chaussée contiguë à leur maison, visaient à l’économie et faisaient poser les dalles à plat ; celles-ci se fendaient promptement, d’où il résultait des trous et des ornières dans lesquelles séjournaient les eaux. Aussi nous représente-t-on les charrettes cahotant sans cesse sur ces chaussées inégales, y répandant de la terre ou des gravats qui venaient encore augmenter l’impraticabilité de la rue. En 1348, les chaussées de Paris étaient pleines d’immondices ; nul ne nettoyait, ne réparait, et pourtant le prévôt de Paris n’avait encore porté aucune condamnation pour obliger les bourgeois à faire leur devoir.

Cependant le mouvement commercial lié au développement des communes, qui se produisit au XIIe siècle, paraît avoir apporté de passagères améliorations dans l’état de nos routes. La naissance de nouveaux centres de populations qui s’élevaient dans les lieux de pèlerinage, autour des châteaux, des églises et des monastères, l’institution des villes neuves amenèrent, comme l’a remarqué M. F. Bourquelot dans un curieux travail sur les foires de Champagne, l’augmentation des voies. Ce savant a montré que, malgré l’imperfection des moyens de transport, le commerce avec l’étranger était alors beaucoup moins restreint qu’on ne l’avait cru. Les foires de Champagne dénotent des relations de trafic et d’affaires assez actives, non pas seulement entre nos provinces, mais avec l’Italie, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et jusqu’avec l’Orient. Les denrées les plus diverses faisaient l’objet d’un commerce souvent considérable. Les marchands se transportaient, comme cela se pratique encore en Asie, par caravanes et en armes, afin de pouvoir repousser les attaques auxquelles ils étaient exposés. Dans le midi de la France, on les voit élire un chef ou capitaine, qui réglait la route, en même temps qu’il statuait sur les contestations. Les retards, les difficultés ne résultaient pas seulement du mauvais état des routes, des dangers que faisaient courir les larrons, les brigands et les soudards : outre les rançonnemens irréguliers, il y avait les rançonnemens légaux qui se produisaient sous forme de droits de travers et de péages de différentes natures, impitoyablement imposés aux voyageurs pour leur personne, leurs serviteurs, leurs bêtes de charge et leurs montures, leurs voitures et leurs marchandises. Ces droits avaient été originairement établis en vue de la construction et de l’entretien des chemins et des ponts ; mais ils avaient fini par être détournés, en bien des lieux, de leur destination première. D’ailleurs sous ce régime de la féodalité qui, malgré le lien du vasselage, laissait en fait le seigneur indépendant, celui-