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qui déterminent ses angles, Peschiera et Mantoue, Vérone et Legnano ; il faut considérer le tout comme un vaste camp retranché[1] dont toutes les parties se protègent en conservant chacune son indépendance défensive, où une grande armée, couverte partout d’ouvrages qui ne sauraient être emportés que par des siéges réguliers, peut attendre l’ennemi de tous les côtés en lui imposant une ligne de marche et d’attaque des plus défavorables, — en le forçant à recevoir des batailles pour soutenir les siéges qu’il voudrait entreprendre, — en conservant elle-même sous le canon de ses places des débouchés qui lui permettent à son jour et à son heure de prendre l’offensive dans toutes les directions, et, si l’offensive ne lui réussit pas, de venir se refaire, se réorganiser ou attendre des renforts dans ses casernes, ses hôpitaux et ses magasins. Aussi ne faut-il pas faire trop grand état de la supériorité numérique qui appartenait sur cette frontière à l’Italie ; aussi convient-il de dire que son honneur militaire n’eût pas été compromis, si elle n’avait pas réussi dans l’entreprise ardue qui lui était imposée par les circonstances, tandis qu’au contraire c’eût été le plus glorieux de tous les débuts pour sa jeune armée, si elle fût parvenue à débusquer l’Autriche d’une position aussi forte.


III.

Une question qui a joué un rôle considérable dans cette campagne est celle de l’armement. Autrefois toutes les puissances, à vrai dire, avaient les mêmes armes ; les fusils, les canons et jusqu’aux calibres étaient partout presque identiques, à tel point que l’on pouvait ramasser les boulets de l’ennemi pour les lui renvoyer. Cela se pratiquait souvent dans les siéges. À Saint-Jean-d’Acre, où nous n’avions pu mener qu’un si petit équipage, nos batteries étaient dans une proportion notable alimentées par les boulets que la place et la flotte anglaise nous envoyaient, et que l’on payait aux soldats qui les rapportaient. C’est une ressource qui était encore employée jusqu’à un certain point, même en 1854 et en 1855, devant Sébastopol. Il n’en est plus de même aujourd’hui, chaque puissance a des calibres particuliers, et non-seulement des calibres, mais aussi des armes complètement différentes de celles qui sont en usage chez ses voisins. C’est le résultat inévitable des études qui se poursuivent isolément dans chaque pays pour le perfectionnement des armes rayées et de la diversité des

  1. La superficie du quadrilatère est au plus de 800 kilomètres carrés, c’est-à-dire qu’elle n’égale pas le double de celle du département de la Seine, qui est de 475 kilomètres carrés.