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LA GUERRE EN 1866.

avec laquelle elles furent fournies. Les chevaux courent cependant plus vite que les hommes, et des deux côtés on n’employait que le fusil ordinaire à percussion.

Si l’armement de l’infanterie prussienne lui assurait des avantages certains sur ses adversaires, il se pourrait bien qu’en matière d’artillerie la proposition dût être renversée. Les Prussiens ne l’admettront sans doute pas, et même, s’il en faut croire la brochure en forme d’instruction que M. Roerdantz, capitaine d’artillerie prussienne, a publiée sur ce sujet, la Prusse posséderait un canon supérieur à tout ce qui est connu en ce genre. On ne tardera pas à être édifié sur cette question ; mais en attendant nous rappellerons qu’en 1860, après les expériences de Juliers, nous avons vu afficher les mêmes prétentions à propos du canon que l’on venait d’emprunter au système du comte suédois de Wahrendorf. On fit alors très grand bruit de ce canon, si grand que les Belges, séduits par tout ce qu’on leur en racontait, se déterminèrent à l’adopter aussi pour leur propre compte. Dans la discussion relative aux fortifications d’Anvers, qui occupa une douzaine de séances du congrès, le ministre de la guerre, M. le baron de Chazal, prôna les mérites de ce canon avec une ardeur et une conviction extrêmes. Peu de temps après cependant ce canon était abandonné, par la Prusse au moins, et remplacé par une nouvelle arme, qui, du nom de l’inventeur, s’appela le canon Wesener. Ce canon, employé pendant la campagne du Slesvig-Holstein, ne donna pas de meilleurs résultats que celui qui l’avait précédé. L’artillerie rayée qui fut mise en jeu par les Prussiens au siége de Düppel y succomba presque tout entière, non pas sous le feu de l’ennemi, qui ne pouvait l’atteindre avec ses pièces lisses, mais par les défauts inhérens au système, et succomba si bien que, lorsqu’il fut question de faire le siége de Fredericia, on dut, pour composer le nouvel équipage, aller reprendre dans les reliques des arsenaux de vieilles pièces des anciens modèles. Depuis lors les Prussiens ont fait un troisième canon, qui, du nom de l’inventeur encore, s’appelle le canon Krainer. Le peu de temps qui s’est écoulé depuis la campagne du Slesvig-Holstein n’a pas permis d’armer exclusivement l’artillerie prussienne de cette nouvelle pièce ; cependant elle domine comme nombre dans les parcs de l’armée, et à Berlin on en a dit des merveilles.

Comme ses deux aînés, le canon Krainer est en acier forgé et se charge par la culasse. Il est, comme pièce de campagne, du calibre de 4, tandis que les autres étaient de 6 ; mais, à vrai dire, la différence réelle qui distingue ces trois modèles entre eux, c’est l’appareil qui sert aux manœuvres de la culasse. L’appareil Kramer paraît être supérieur aux deux autres ; néanmoins c’est toujours