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LA GUERRE EN 1866.


II.

Voilà tout l’univers passé en revue, voilà, en dehors des États-Unis, quelles sont les ressources cotonnières du globe. Il semble au premier abord que chaque contrée ayant ainsi fait ses preuves, ayant donné la mesure de ce qu’elle pouvait fournir, les prix auraient dû devenir plus accessibles et surtout plus réguliers. Les stocks sont rétablis, l’importation du coton dans la Grande-Bretagne, que nous prenons à juste titre comme le point de comparaison le plus exact, est redevenue ce qu’elle était avant 1861 ; on pourrait croire qu’il y a là des raisons suffisantes pour que la sécurité se rétablisse complètement et pour que les cours retombent à leur taux normal. Le commerce européen n’en a pas jugé ainsi. Il a vu tout autour de lui des situations qui ne lui ont pas semblé nettes. Partout où il jette les yeux, il trouve matière à complications, dont le temps finira par avoir raison, mais dont l’issue ne peut être indiquée à une date certaine. En Égypte, la misère des fellahs, les défiances du gouvernement envers les Européens ; en Turquie, une population laborieuse, mais dont toute l’éducation est à faire, un pays en retard, mal administré, sans routes ; dans l’Inde, trois ou quatre races distinctes et rivales, une sourde inimitié entre les races, entre les castes, une hostilité latente et générale contre les Européens, des populations pressurées et malheureuses, dont les progrès sont lents, dont l’esprit de subordination est douteux ; dans l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale, des institutions instables et des sociétés en enfance, dont il faut faire, avant de pouvoir compter sur elles, l’éducation morale, l’éducation agricole, commerciale, industrielle et politique : voilà ce que le commerce européen a envisagé, et il n’a trouvé là rien de bien rassurant. Ce qu’il demande, ce sont des approvisionnemens réguliers, des arrivages certains. Hors de là, il est inquiet, et, pour peu qu’on y aide, la panique s’en mêle. La régularité de la culture improvisée au sein de sociétés imparfaites ne lui paraît rien moins qu’assurée. La fin de la guerre qui désolait les États-Unis, la perspective de voir le travail reprendre dans les états du sud, devaient produire une baisse. Voilà un pays qui avait fait ses preuves d’une façon éclatante et qui présentait, une fois revenu de ses malencontreuses idées de sécession et de son ardeur pour le maintien de l’esclavage, les garanties de bonne organisation, d’ordre, de continuité dans le travail, dont le commerce se montre si jaloux. Si cette baisse ne s’est pas immédiatement produite, comme tout le monde se croyait en droit de