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Les sept
Croix-de-Vie

DERNIÈRE PARTIE[1]


XXI.

Croix-de-Vie était muet ; la porte d’honneur qui demeurait ordinairement toujours ouverte était close, l’avenue déserte. — Un homme suivait en ce moment le bord des douves qui entouraient le château. Lesneven, c’était lui, avait tenu son second serment, il n’était point parti. Il avait retrouvé son ancien asile dans le hameau de Sainte-Marie, il payait de ses dernières oboles la maigre hospitalité qu’il recevait d’une vieille femme plus pauvre encore que son hôte. Le jour, il n’avait pas d’autre toit que les chênes, déjà couverts des moisissures de la pluie et de la triste rouille de l’automne. Cette vie errante et incertaine effaçait peu à peu de son visage l’air de confiante audace et de vive jeunesse qui en faisait le charme autrefois ; pourtant il ne se lassait point de sa misère, il n’abandonnait pas son rêve. Chaque matin le revoyait au pied du château ; il tournait des heures entières autour de cette enceinte morne et comme enchantée. Ce jour-là, son impatience devenant plus forte, il s’était jeté parmi les buissons et les arbres qui s’élançaient en un fourré inextricable du fond et des berges de ces larges fossés. Il avançait, s’accrochant aux branches, défiant les épines

  1. Voyez la Revue du 15 mai, du 1er et du 15 juin et du 1er juillet.