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éteindre. Eh bien! travaillons à l’allumer de concert; étudions en honnêtes gens la question, pièces sur table, sans préoccupation, sans passion, aigreur, arguties ni voies de fait oratoires. Le public, seul vrai juge en dernier ressort dans ces matières, décidera.


I.

Circonscrivons d’abord le débat. Qu’il y ait quinze ou vingt lettres discutées dans le nombre de quinze cents à deux mille que j’ai données ou que je réserve au public, ces lettres, tout historiques qu’elles soient et rentrant dans l’ensemble des documens, n’ont pas un intérêt assez marqué pour faire faute essentielle dans mon recueil, si elles n’y existaient pas; elles en sont de tout point les moins importantes. M. Geffroy paraît, il est vrai, vouloir étendre le cercle en déclarant qu’on ne peut désormais admettre comme authentique, parmi les lettres que j’ai données de Marie-Antoinette à sa mère, que celle que j’ai imprimée sous la date du 14 juin 1777. Rien de plus commode que de se faire ainsi à soi-même son terrain et son siège, d’écarter tout document importun qui gêne le triomphe d’une thèse préconçue. Procéder par assertion est de toutes les méthodes la plus aisée, mais aussi la plus périlleuse; ce n’est point là de la critique, c’est de l’arbitraire. Je me demande comment un homme qui a eu l’honneur de toucher à l’histoire peut descendre aux minuties dont il nous secoue la poussière, comment il peut espérer de faire admettre que d’hier seulement, rien que d’hier, on soit en mesure de parler avec justesse de Marie-Antoinette. Loin de nous à coup sûr la pensée de déprécier les intéressans recueils viennois sur lesquels il s’appuie. Nous avons été au contraire le premier à en annoncer tout l’intérêt, en même temps que nous avons proclamé le mérite de l’éditeur dans une lettre adressée de Milan au Journal des Débats; mais je n’admets point qu’il faille tout sacrifier sur cet autel nouveau : Lugdunensem ad aram. Ce serait d’ailleurs diminuer ma propre publication, car, pour compléter son second volume, M. d’Arneth m’a fait l’honneur de réimprimer vingt pièces déjà publiées par moi, et qu’apparemment il a trouvées bonnes. C’est parce que, dans ce nombre, se compte celle du 14 juin 1777, qu’elle a trouvé grâce devant mon censeur français.

Dans mon opinion, ce dernier se trompe, de même que l’honorable professeur de Bonn. J’espère en donner ici la preuve. Discutons donc, car aussi bien ce qu’on ne discute pas ne vit pas, en France surtout.

Et d’abord, il eût été par trop insensé de notre part de mêler de gaîté de cœur à une masse de documens précieux tirés d’ar-