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étaient dans l’effervescence, et la reine, livrée à tout le feu de son activité, ne savait plus à quoi entendre. Le 14 avait eu lieu cette fédération où le mouvement inspiré de Marie-Antoinette présentant le dauphin du haut du balcon de l’École militaire à la foule assemblée avait excité un si vif enthousiasme. Ce mouvement avait bien disposé pendant quelque temps l’assemblée nationale, qui, loin de vouloir le désordre et l’abolition de la royauté, pressait alors le Châtelet de rendre compte de sa procédure sur les événemens des 5 et 6 octobre et mandait le 31 à sa barre le procureur de ce tribunal pour lui ordonner de poursuivre les écrits excitant à l’insurrection. À cette époque, Mirabeau était en communication avec la cour soit directement, soit par l’entremise du comte de La Mark. La lettre fait allusion à l’un et à l’autre et ne peut être de 1791.

Je citerai de même, mais pour mon compte, un autre tour joué par une date à propos d’une lettre de Marie-Antoinette écrite à la princesse de Lamballe le 29 décembre 1774. Cette lettre a été portée par lapsus au millésime de 75. Même erreur a été commise pour les lettres de Louis XVI et de Marie-Antoinette touchant l’affaire du collier. M. Campardon lui-même, tout plein cependant des notes de ce premier coup de tocsin contre la reine de France, M. Campardon, juge si compétent des pièces de cette époque, n’en avait pas été frappé, et il avait exclusivement abandonné à son lithographe le soin de la reproduction de lettres que je lui avais confiées pour les joindre en fac-simile à son livre spécial sur l’affaire du collier. Alors le copiste, qu’eût pu avertir la différence des nuances d’écriture et d’encre, prit le change, comme la rapidité de la mise sous presse l’avait déjà fait prendre pour le texte, et il exécuta ses calques du même ton. Inde mali labes. J’ai donc vérifié en ma trop rapide publication du premier volume ce qui a été dit tant de fois, que celui qui commence un livre est l’écolier de celui qui l’achève et qu’une première édition n’est qu’une épreuve. Mais hélas! que d’aménités ces lapsus et minuties ne m’ont-ils pas values! Or une telle accumulation de pointilleries, de petites querelles, de petits faits, séparément sans valeur ni portée, forme comme un faisceau, amasse comme un nuage obscur qui inquiète la confiance du lecteur, tend à égarer l’opinion et à causer l’amoindrissement d’un recueil sincère et historique.

Quelle injustice cependant! Ne sait-on pas de reste combien même les plus habiles sont exposés à payer leur tribut à l’erreur? Voyez plutôt l’article du 15 septembre 1865 en cette Revue, — celui-là même où M. Geffroy a traité pour la première fois la question de l’authenticité des lettres de Marie-Antoinette. Il y dit que le comte de Stedingk, le gentilhomme suédois qui eut l’honneur d’être distingué par la reine, partit en 1778 sur la flotte du comte d’Estaing.