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Revenons aux lettres qui parlent de Mirabeau et dont je maintiens l’authenticité. Suivant M. Geffroy, Marie-Antoinette n’aurait communiqué sur ce délicat sujet qu’avec Mercy. Qu’en sait-il? Sa raison est qu’elle n’eût pas voulu l’aire courir le risque de la vie au tribun qui la servait; mais le risque ne menaçait que de Paris à la frontière. Celle-ci une fois franchie, la voie vers Vienne était libre. Or, depuis le 3 octobre 1790, Mercy était parti pour Bruxelles et La Haye. Ce grand épisode malheureusement stérile de la fin du règne de Louis XVI demandait à être étudié d’un autre point de vue. La reine, qui n’avait plus auprès d’elle pour la guider la sagesse de Mercy, était livrée, comme le roi, à tous les tiraillemens de conseils contradictoires. Après l’entrevue de Mirabeau avec la reine, le roi, encore plus que Marie-Antoinette, avait conçu la confiance la plus enthousiaste dans le secours que leur apportait le géant de la parole; mais bientôt, en même temps que la cour recevait, à l’insu de son ministère, les mémoires de Mirabeau, elle accueillait ceux de Bergasse. De là ces tergiversations, cette politique de bascule qui précipita le trône. Mirabeau ne voulait point de la guerre étrangère, qui eût brisé les dernières ressources du pays; mais il ne répugnait pas autant à la guerre civile, qui en eût retrempé les ressorts. Comme première condition au succès de son plan, il avait prescrit que le roi quittât Paris avec la famille royale. Cette pensée d’évasion avait été agitée dès les derniers mois de 89. Il aurait voulu que Louis XVI partît en plein midi, publiquement et en roi, qu’il se rendît soit à Fontainebleau, soit à quelque autre résidence royale, pour de là se retirer sous la protection de troupes fidèles. En vain la reine pressait, le roi ne se déterminait pas, et le projet praticable en 89, praticable encore en 90, cessait de l’être à mesure qu’on laissait monter le flot révolutionnaire. Alors Mirabeau, aigri, désespéré de la marche incendiaire et fatale de l’assemblée, de la torpeur non moins fatale encore du roi, de l’inertie de son ministère, de l’audace des factions bouillonnantes de fureurs et de crimes qui voulaient immoler Marie-Antoinette, Mirabeau ne voyait plus que le tableau du trône abîmé dans le sang.

Une fois 1791 arrivé, l’arrestation de Mesdames à Arnay-le-Duc le 24 février, l’irruption du peuple aux Tuileries, le 17 avril, pour empêcher le voyage du roi à Saint-Cloud, tout concourait à prouver qu’une fuite ostensible serait impossible désormais. Mirabeau était mort le 2 de ce même mois d’avril; mais la question de la fuite avait été agitée auparavant. Le comte de La Marck, envoyé par le roi auprès du marquis de Bouille, dans les premiers jours de février, pour instruire le général de l’entente de la cour avec Mirabeau et se concerter sur la fuite vers Montmédy, avait au retour