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les discours se révèlent un sentiment religieux très sincère, très profond, très éclairé, une certaine nuance théologique, mais nulle bigoterie, une admirable et large tolérance. Tous les orateurs sans exception semblent pénétrés de l’importance des questions religieuses et de la nécessité de donner la morale et la religion pour mobile au progrès de la civilisation; mais, sauf un très petit nombre de protestans et de catholiques exagérés, tous aussi manifestent une répugnance sans bornes pour les envahissemens d’une dogmatique étroite et exclusive. Avec une fermeté qu’on ne peut trop louer, ils repoussent l’intervention de l’église non-seulement dans les affaires de l’état, mais même dans celles de l’école, qui, dans la plupart des pays, est considérée comme le véritable domaine du clergé. Ils distinguent nettement le prêtre de la religion, l’institution extérieure du sentiment religieux, le dogme surnaturel des vérités naturelles, et la confession de foi de la morale. Pour que la séparation de l’état et de l’église soit appliquée jusque dans le domaine de l’instruction primaire, et pour enlever tout prétexte à l’intervention du clergé, ils veulent que l’enseignement du dogme soit laissé aux ministres des cultes, et ne soit point inscrit au programme des matières enseignées, — que la culture des vertus sociales soit confiée à l’instituteur laïque sous le contrôle du pouvoir civil.

Un député de cette province de Groningue aussi remarquable par la perfection de son agriculture que par la justesse d’esprit de ses habitans, M. Blaupot ten Kate, traita la question avec tant de netteté, que nous ne résistons pas au désir de donner un résumé de son discours. Partout, disait-il, où il n’y a plus de religion d’état, partout où les différens cultes ont droit à une protection égale, il faut séparer avec soin ce qui appartient au pouvoir laïque et à l’église. L’état s’occupe de l’instruction dont l’homme a besoin comme citoyen, l’église de l’instruction dont l’homme a besoin comme croyant. Pour l’état, l’enseignement est un intérêt politique; pour l’église, un intérêt religieux. On porterait atteinte aux droits, à l’essence même de l’état, en l’obligeant à faire enseigner ce que croient les diverses confessions, et en même temps on empiéterait sur le domaine réservé des églises. Du moment que vous donnez un enseignement dogmatique, vous devez vous soumettre au contrôle du clergé. Il peut, il doit même, dès lors, réclamer l’inspection des écoles publiques. De là naissent les conflits entre l’autorité civile et l’autorité ecclésiastique, les froissemens de conscience, l’oppression de la minorité. — Voici comment l’orateur repousse cette accusation si souvent répétée, qu’en écartant de l’école l’enseignement dogmatique on enlève toute base à la morale, et qu’on