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étroit, en revanche, quant au débouché du souterrain de la Nerthe le voyageur arrive à la station de l’Estaque, sur les rails placés à mi-côte des localités de Saint-Joseph, du Canet et de Saint-Barthélemy, il voit au milieu de jardins fleuris, de prairies vertes, ornement tout nouveau de cette terre autrefois crayeuse, à côté d’établissemens industriels récemment créés, s’étendre le rivage d’une mer sillonnée de navires. Avant d’entrer dans la ville, il a déjà salué la forêt de mâts qui peuple les nouveaux ports, et dans cette ville même, au lieu d’entrer par les faubourgs d’Aubagne sur la route de Toulon, ou par les masures de la route d’Aix, qui était celle de Paris, on arrive en plein cœur par la gare du chemin de fer, en une station haut placée qu’entoure un riche quartier neuf. Quelques minutes de marche vous amènent au Marseille de Louis XIV et du Puget, aux allées de Meilhan, à cette nouvelle rue de Noailles qui a doublé l’ancienne Cannebière, au cours Belzunce, dont les constructions uniformes conservent, malgré une vétusté précoce, l’air magnifique du grand règne. Quelques pas encore, voici l’ancien port élargi, purifié, disparaissant sous les navires, et à l’entrée même de ce port, après la nouvelle bourse, s’ouvre la perspective de la rue Impériale, cette grande voie des nouveaux ports, des cinq bassins creusés depuis dix ans pour les besoins du commerce. Pour faire cette entrée à la nouvelle ville, on a coupé en deux et jeté à la mer la colline où s’était entassée l’antique colonie phocéenne. C’est la porte grande ouverte à l’avenir qui demain s’appellera le présent.

Au premier regard promené dans son enceinte, au premier pas fait sur son sol, Marseille offre donc le spectacle de ces transformations intérieures dont l’étude nous attire par les intérêts qu’elles mettent en jeu, par l’amélioration physique et morale dont leur sont redevables des millions de créatures humaines. Après Lyon et Paris, le chef-lieu du département des Bouches-du-Rhône peut nous offrir le sujet des questions sociales, financières, administratives et politiques les plus sérieuses. Nous résumerons pour ainsi dire en trois chapitres les améliorations dont cette grande ville a été le théâtre. Nous nous occuperons en premier lieu du canal de la Durance, qui a donné à Marseille, avec l’eau qui lui manquait, la santé pour les habitans, la fertilité pour le sol, l’humidité pour l’atmosphère; de là nous passerons à l’étude des nouveaux ports, qui ont mis Marseille en mesure d’accomplir ses destinées commerciales; enfin nous envisagerons les travaux d’embellissement, de viabilité, les constructions publiques ou privées qui ont imprimé à cette grande ville le caractère monumental dont la fierté nationale n’aurait pas souffert qu’elle restât plus longtemps privée. Toutes ces entre-