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travaux qui comprenait, avec la construction de nouveaux monumens, l’ouverture de voies principales de communications, l’élargissement des anciennes, le nivellement et l’assainissement du sol. Marseille, ville catholique, n’avait pas de cathédrale; centre d’un grand commerce, pas de bourse; foyer d’un esprit municipal ardent, il ne possédait qu’un hôtel de ville exigu. Aucun vestige, aucune relique d’art ou d’histoire n’y consacraient les traditions du passé, les nouveaux et les anciens quartiers ne se reliaient que par des rues montueuses et étroites, une cité commerciale de 200,000 habitans étouffait dans l’enceinte malpropre et incommode d’une ville de 100,000.

Tel était le tableau présenté en 1858 pour justifier les demandes faites au conseil municipal; aujourd’hui la ville de Marseille renferme 300,000 habitans et peut en contenir bien davantage. Les affaires se sont développées en proportion, tous les besoins ont été satisfaits; mais aussi quelle audace, quelle fougue marseillaise il fallut déployer pour obtenir ce résultat en un temps si court!

Comme Paris, Marseille est coupé à angle droit par deux voies principales : l’une qui va du nord au sud, l’autre de l’ouest à l’est. La rue d’Aix commence au nord à la place de l’Arc-de-Triomphe, ancienne entrée de la ville sur la route d’Aix, se prolonge, après le cours Belzunce, par la rue de Rome, aboutit à la place Castellane, où s’élève un obélisque, et se termine au sud au rond-point du Prado, où la promenade s’infléchit au bord de la mer. A l’ouest, sur le quai Napoléon, s’ouvre la Cannebière, qui se terminait brusquement à l’étroite rue de Noailles, au bout de laquelle les allées de Meilhan et le chemin de la Madeleine conduisaient aux quartiers de l’est. Ces deux voies importantes, traversées chaque jour par 10,000 colliers, devaient avant tout être élargies. Il fallait mettre aussi la gare du chemin de fer et les nouveaux ports en communication avec les artères principales de la circulation et avec les quartiers industriels. L’élargissement de quelques rues secondaires, telles que la rue Saint-Ferréol, la rue Paradis, aboutissant aux rues de premier ordre, paraissait également nécessaire; d’autres voies se trouvaient suspendues dans leur cours, des boulevards neufs manquaient d’issues. La configuration du sol de la ville, coupé de dépressions profondes, hérissé de hautes collines, exigeait un grand travail de nivellement et des chemins à long circuit pour rendre possible l’accès de plusieurs quartiers. Nulle part les obstacles ne paraissaient plus insurmontables qu’entre les nouveaux ports, les quartiers industriels d’Arenc et de la Joliette et les quartiers du centre, séparés par l’énorme soulèvement de terre sur lequel s’élevait la vieille ville, rempart contre le mistral, mais bar-