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Les travaux de Marseille procèdent, il faut le dire, d’une pensée différente. L’urgence les a commandés, et justifie à la fois la rapidité de l’exécution et le haut prix qu’ils ont coûté. Il s’agissait en effet pour Marseille non pas d’être mieux, mais bien d’être ou de n’être pas. La question des eaux, cet élément indispensable de toute existence collective, présentait plus de gravité qu’à Paris : on l’y traita avec la même ampleur. La question des ports s’imposait d’une façon irrésistible. Les ports commencés, pouvait-on laisser inutile cet instrument de progrès indéfini? Au nord et au sud, des montagnes trop élevées fermaient l’accès de la mer. Il fallait à tout prix renverser ces barrières et le faire tout d’un coup, sans attendre le lent accroissement des ressources municipales, aller le plus vite possible au-devant de ces flots de la Méditerranée portant des navires que Gênes, Livourne, Barcelone, appelaient avec tant d’autres villes de tous leurs vœux.

Chacun à Marseille avait le sentiment de l’urgence de l’œuvre à entreprendre, et grâce à cette communauté d’efforts et de pensées sept ans ont suffi pour faire d’une ville trop étroite pour 100,000 âmes une large et saine résidence pour 500,000. Aussi l’antique colonie phocéenne attend-elle avec confiance la fortune qui lui viendra de l’Orient. Une fois de plus la furia francese aura été justifiée, et l’on ne regrettera point d’avoir prodigué sans marchander les ressources de tout genre à la création d’une nouvelle reine des mers.

A un autre point de vue que celui de l’urgence des travaux, Marseille soutient avantageusement la comparaison avec Paris et avec Lyon. C’est l’adhésion libre des volontés locales qui y a résolu et exécuté l’œuvre de rénovation. L’opinion publique à Paris et à Lyon a sans aucun doute encouragé dans une forte mesure l’initiative gouvernementale : Marseille, plus favorisé, a conservé une véritable représentation communale, un conseil municipal procédant du suffrage universel, dont les propositions ou l’adhésion ont plus régulièrement exprimé les vœux des habitans. Que l’administration préfectorale ait exercé une influence plus ou moins directe sur les élections, que la politique soit intervenue dans le choix des maires et des adjoints, que l’activité ou l’abstention des partis ait laissé parvenir au conseil les élus d’une majorité sincère ou non, peu importe : ces détails de la vie quotidienne disparaissent, vus à distance. Il n’en reste pas moins un exercice régulier et sérieux du suffrage des citoyens, une participation libre à la gestion des intérêts communaux. C’est un vrai pouvoir municipal qui a poursuivi si énergiquement une grande tâche et qui a concouru avec le représentant du gouvernement, plusieurs fois inspiré de vues libérales et conciliantes, à un ensemble de mesures dont la timidité n’est