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LE NOUVEAU LOUVRE.

et de décorations ; de là enfin ce défaut d’harmonie, cette dissonance manifeste entre les nouvelles façades et les anciennes, disparate assez forte pour que la nécessité prochaine de reconstruire en entier et la grande galerie et la presque totalité des Tuileries ait apparu de très bonne heure même aux moins clairvoyans.

Telle est pourtant la conséquence d’une simple erreur de calcul : on croit qu’on peut impunément donner ou ne pas donner à de tels édifices un étage de plus ; on se hasarde à en courir la chance, et quand l’œuvre est montée, on voit qu’on s’est trompé d’échelle. Que faire alors ? Démolir ce qu’on vient d’élever ? ce serait bien naïf et confesser bien humblement qu’on a construit à la légère : mieux vaut abattre ce qui est vieux sous prétexte de maladie. Il en coûtera trois ou quatre fois plus, qu’importe ? Les millions font-ils jamais défaut ? et n’y gagne-t-on pas la perte définitive de vieux témoins des anciens temps, de souvenirs à jamais effacés ?

Cherchons cependant s’il n’y avait pas quelque sérieux motif de renoncer au plan convenu et d’exiger ce supplément d’étage, cause de tout le mal. Évidemment l’aspect du monument, l’effet extérieur n’y pouvait rien gagner : ces ouvertures multipliées, ce long cordon de petites fenêtres sans accent et sans style n’ajoutent à ces façades aucune sorte d’agrément, et leur donnent plutôt un certain air industriel peu compatible avec un palais ; mais, si l’innovation n’avait à l’extérieur ni avantage ni profit, n’étaient-ce pas les besoins du service, les exigences intérieures qui la rendaient nécessaire ? Puisqu’on voulait trouver dans ces bâtimens neufs un vaste abri pour les services les plus divers, quelque chose d’analogue à ces châteaux du moyen âge où s’entassaient à la fois les hommes d’armes destinés à les défendre et tous les corps d’état propres à rendre plus facile la vie du châtelain, n’est-il pas naturel qu’on attachât quelque importance à l’étendue des logemens ? Soit ; mais le nouveau système, l’addition d’un étage apparent, d’un étage de pierre, n’ajoutait absolument rien à la surface habitable, puisqu’en élevant les façades on diminuait d’autant la hauteur des combles, et que la seule différence entre le nouveau plan et le plan de Visconti n’était pas de créer un étage de plus, c’était de rendre carré, c’est-à-dire vertical sur ses quatre faces, l’étage qui, pratiqué dans les combles, aurait eu des parois légèrement inclinées. Nous nous hâtons de reconnaître que pour l’habitation mieux vaut une muraille que le rampant d’un toit ; mais est-il donc si difficile, en sacrifiant un peu d’espace pour corriger l’inclinaison de la toiture, d’obtenir dans un comble un étage carré ? N’oublions pas d’ailleurs que, pour l’emploi qu’on en voulait faire, ce second étage, ou, pour mieux dire, cet attique n’avait aucun besoin d’être monumental.