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blessé à mort le jour où l’on a parlé de souveraineté populaire, c’est-à-dire en 1789. Qu’on examine les alliances, les coalitions, les traités survenus depuis cette époque : on verra que si on a continué par habitude d’identifier les intérêts d’état avec ceux des familles royales, on a été encore bien plus dominé par les affinités ou les répulsions résultant des principes politiques.

La déclaration des droits de l’homme tendait à bouleverser l’ancien droit public européen; mais il n’est pas rare en politique qu’un principe soit dénaturé par la manière dont il est introduit dans les faits. En essayant de régler les rapports de peuple à peuple, on ne put aboutir à une de ces formules nettes qui se gravent dans les esprits et font du droit une force vivante. L’assemblée constituante proclame en peu de mots que la nation française n’entreprendra aucune guerre en vue de faire des conquêtes. La convention à ses débuts soulève le problème des relations de peuple à peuple. Par décret, elle ordonne qu’un rapport sur cette matière lui soit présenté, et elle oublie son propre vœu. Le sentiment du progrès à venir brille comme un éclair de génie dans la première ébauche de constitution républicaine, présentée par Condorcet au nom d’une commission où les girondins étaient en majorité. Le passage est remarquable, et il n’est pas hors de propos de le citer. — « La république française ne prendra les armes que pour le maintien de sa liberté et la défense de ses alliés... Elle renonce solennellement à réunir à son territoire des contrées étrangères, sinon d’après le vœu librement émis de la majorité des habitans... Dans les pays occupés par la république française, les généraux seront tenus de maintenir, par tous les moyens à leur disposition, la sûreté des personnes et des propriétés, et d’assurer aux citoyens de ces pays la jouissance entière de leurs droits naturels, civils et politiques... Dans ses relations avec les nations étrangères, la république française respectera les institutions garanties par le consentement de la généralité du peuple. » Cette esquisse d’un nouveau droit des gens resta le vœu d’un philosophe qui devançait son temps. Le projet des girondins fut anéanti avec ses auteurs.

Les nombreuses constitutions qui suivirent furent sobres ou muettes en ce qui concerne les relations internationales. La constitution de l’an II, rédigée en huit jours par Héraut-Séchelles et votée quinze jours après par la convention, déclare brièvement que le peuple français est l’ami et l’allié naturel des peuples libres, en posant toutefois le principe de non-intervention. En 1795, dans l’une des dernières séances de la convention, Grégoire fut admis à lire une déclaration du droit des gens qu’il proposait d’inscrire en tête des lois républicaines, parallèlement à la