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Venise. Jamais encore la France n’a couru de plus sérieux hasards dans l’intérêt de l’Italie, et c’est en ce moment qu’on se plaindrait d’elle de l’autre côté des Alpes! Cette injuste et dangereuse humeur ne saurait atteindre, nous en sommes convaincus, les hommes d’état éprouvés qui ont le juste sentiment des intérêts italiens et des affinités naturelles qui doivent unir leur pays à la France. Quand les émotions de la guerre seront calmées, quand l’Italie sentira que son œuvre d’émancipation vis-à-vis de l’étranger est terminée, quand un ministère sérieux et durable pourra prendre la direction des affaires, on ne se souviendra plus à Florence des injustices commises en paroles contre la France que pour les regretter et pour les réparer. L’Italie devra penser alors à l’exécution de la convention du 15 septembre, à la bonne conduite de son gouvernement intérieur, dont le plus pressant intérêt est l’établissement de l’ordre financier. Avec de pareilles affaires sur les bras, il est impossible que les hommes d’état italiens oublient les services qu’ils doivent encore attendre de la France. Où un ministre des finances espérerait-il placer un emprunt, si ce n’était à la Bourse de Paris?

L’Angleterre, qui depuis longtemps ne connaissait plus les troubles des rues, vient d’avoir le passe-temps d’une émeute. Le conflit n’a point eu de suites graves; mais le désordre a été assez regrettable au point de vue de la dignité anglaise pour donner à réfléchir à ceux qui ont imprudemment voulu jouer avec des rassemblemens en masse, convoqués sans aucun intérêt véritablement libéral au foyer des quartiers aristocratiques de Londres. Les meneurs de la ligue réformiste ont commis dans cette circonstance plusieurs fautes, maintenant jugées sévèrement par l’opinion publique. Sur l’annonce de la convocation du meeting monstre, le ministre de l’intérieur, M. Walpole, avait déclaré que le gouvernement n’en tolérerait point la réunion à Hyde-Park. Les chefs de la ligue persistèrent dans leur résolution, et il faut avouer qu’ils furent encouragés dans leur malencontreuse tentative par une lettre publiée de M. Bright. Le grand agitateur s’abandonnait, dans cette lettre, à une exagération telle qu’il faisait dépendre le sort de la liberté du peuple anglais de la question de savoir si les masses excitées par les réformistes pourraient tenir leur meeting dans Hyde-Park. Rien n’était moins fondé qu’un tel sophisme. Le droit de réunion n’était nullement en cause, le ministère n’entendait point le contester; il ne se proposait que de protéger, dans un lieu de récréation, la liberté du public ordinaire contre une invasion à laquelle devaient prendre part inévitablement les élémens les plus dangereux de la population de Londres. Au lieu d’un meeting, il n’y a eu qu’un row, c’est-à-dire une rixe gigantesque engagée entre les gamins et les roughs de Londres et la police soutenue de quelques troupes. Sans amener aucune collision sanglante, le conflit a produit des accidens fâcheux. La foule a montré cette dextérité à enlever les grilles que nous avons pu admirer en temps de révolution