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étendre cette conception à toutes les causes inconnues qui font naître ou détruisent le mouvement dans la nature. C’est la grandeur du mouvement qui mesure les forces, soit que ce mouvement se produise en réalité, ou qu’il tende seulement à se produire dès que les résistances qui le neutralisent auront disparu. La pesanteur par exemple est mesurée par la chute d’un poids abandonné à lui-même ou par la flexion d’un ressort auquel ce poids est suspendu. Plus cette flexion est prononcée, plus la pesanteur a d’intensité et plus le poids ferait de chemin en une seconde, s’il pouvait tomber librement. C’est ainsi qu’on prouve que la pesanteur est plus grande au pôle qu’à l’équateur.

Les physiciens emploient donc aujourd’hui le mot force pour désigner les causes généralement inconnues qui sont censées produire les différens phénomènes du mouvement. Dans sa plus ancienne acception, ce mot signifie la faculté, la puissance de produire un effet mécanique déterminé, tel par exemple que le transport d’un poids à une hauteur donnée, abstraction faite de l’agent physique à l’aide duquel s’obtient cet effet. C’est dans ce sens qu’on parle de la force d’une machine, de la force musculaire d’un individu. Les organes des moteurs naturels ou artificiels ne produisent d’ailleurs dans la plupart des cas leurs effets mécaniques que par une série de transformations, et il est clair que le résultat doit dépendre autant de l’intensité de l’agent moteur que de la manière plus ou moins avantageuse dont les transformations sont effectuées par la machine. Le combustible avec lequel on alimente un moteur peut fournir une somme déterminée de puissance mécanique; elle est transmise aux différentes parties de la machine, mais une petite fraction seulement arrive à l’arbre, le reste se perd en chemin par les frottemens, comme l’eau d’un ruisseau dans un terrain sablonneux. Ainsi le travail utile ou le rendement d’une machine à vapeur alimentée par la houille ne s’élève qu’aux 12 centièmes[1] du travail que fournit la chaleur de combustion du carbone. Le rendement mécanique des bouches à feu est, d’après M. Martin de Brettes, d’environ 20 pour 100 du travail correspondant à la combustion de la poudre de guerre. Dans les canons, grâce à la simplicité du mécanisme, l’économie est donc beaucoup plus grande que dans les moteurs à vapeur et plus grande aussi, il faut bien l’avouer, que dans la machine humaine.

L’organisme animal constitue un moteur naturel dont le jeu est sans cesse entretenu par la combustion des alimens préalablement transformés en tissus vivans. Les substances alimentaires se composent principalement d’oxygène, de carbone, d’hydrogène et d’azote, engagés dans des combinaisons très diverses. Elles se séparent, dans les appareils digestifs, en deux parties, l’une qui est rejetée, l’autre qui passe dans la circulation,

  1. C’est le chiffre admis par M. Verdet, d’après les expériences de M. Hirn; d’après M. Regnault, le rendement maximum des machines à vapeur serait de 6 pour 100 seulement.