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porte. Les espèces les plus petites sont encore ici celles qui montrent le plus d’énergie relative, mais les différences dans un même groupe sont peu accusées. En considérant que chaque insecte enlève en outre son propre poids, on trouve que certains diptères portent un poids total presque triple du leur ; la mouche commune et surtout le syrphe sont les diptères les mieux partagés sous ce rapport. Les libellules (névroptères) ne peuvent enlever plus de deux fois leur poids. Elles ont cependant le vol très soutenu : on a vu des libellules distancer les hirondelles qui les poursuivaient. De même les mouches et d’autres diptères suivent et dépassent les chevaux de course lancés à fond de train et même les wagons emportés avec une vitesse de 50 kilomètres à l’heure ; mais l’on peut supposer que dans ce cas elles sont entraînées par l’air ambiant.

M. Plateau fait remarquer, au sujet de ces résultats, que les insectes n’ayant jamais, comme certains oiseaux, à transporter des fardeaux un peu considérables, il est naturel que la puissance de leur vol ne surpasse pas beaucoup celle qui suffit pour soutenir leur propre poids, l’excès servant simplement à compenser la fatigue. Il nous semble cependant que les oiseaux ne doivent pas être en général beaucoup mieux partagés à cet égard que certains insectes. Enfin, si M. Plateau arrive à cette conclusion, que la force musculaire déployée par les insectes pour voler est bien moindre que celle qu’ils mettent en jeu pour la traction ou pour la poussée, il n’a peut-être pas assez présent à l’esprit que le vol exige un travail exceptionnel employé à prendre appui sur l’air.

La loi très curieuse qui ressort des tableaux comparatifs de M. Plateau, à savoir que dans un même groupe d’insectes la force varie en sens inverse du poids, ne s’explique point par le volume relatif des muscles, car M. Plateau a démontré par des mesures directes que ce volume décroît dans une progression plus rapide que le poids ; il est relativement plus petit chez les petites espèces. On arrive aussi à ce résultat singulier, que les petites espèces doivent être douées d’une plus grande énergie spécifique. Pourquoi cette différence en faveur des insectes de petite taille ? Elle est peut-être nécessitée par leur genre de vie. Ainsi pour les fouisseurs la dureté du sol constitue un obstacle toujours le même pour les différentes espèces. Si les petites n’étaient pas plus fortes que les grandes, les grains de sable que l’orycte déplace sans peine seraient pour le petit bousier des blocs de rochers ; il a donc besoin d’un excès de force musculaire pour passer par les mêmes chemins que ses congénères. Si nous allons plus loin et que nous mettions en parallèle un insecte et un mammifère, les mêmes considérations sont applicables. Le campagnol, la taupe, le lapin, n’ont besoin que d’une force relative beaucoup moindre pour se frayer un passage dans le même terrain où l’insecte fouisseur perce ses galeries. On peut donc admettre avec M. Plateau que les insectes sont doués d’une énergie comparativement plus grande que celle des mammifères, simplement afin que le travail qu’ils peuvent accomplir demeure en rapport avec les résistances