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du développement historique selon M. Comte est, non pas, comme le veut M. Mill, une méthode propre à mettre en lumière les lois sociologiques, mais la première de ces lois, le fait essentiel de la sociologie, et la systématisation générale et indépendante dont sont dépendantes les autres systématisations.

En résumé, dans la critique de M. Mill, je signale trois défectuosités qui, à mon sens, la rendent faible contre l’œuvre de M. Comte : d’abord n’avoir pas reconnu l’inégalité entre l’état dynamique et l’état statique, ce qui induit à ne pas voir la constitution de la sociologie là où elle est; puis avoir cherché dans M. Comte une physiologie sociologique plutôt que le premier moteur auquel la physiologie sociologique est subordonnée; enfin avoir perdu de vue le but de M. Comte, pour qui la constitution de la sociologie est un moyen d’arriver à la constitution de la philosophie positive.

Psychologie. — C’est la seconde grande objection de M. Mill, laquelle comprend quatre chefs : avoir fait de la psychologie une part de la biologie; n’avoir pas admis la psychologie dans la série des sciences; avoir rendu imparfaite la constitution de la sociologie, en n’y faisant pas intervenir la psychologie; ne pas fournir le critérium logique de la vérité.

Suivant M. Comte, il n’y a point de psychologie en dehors de la biologie; suivant M. Mill, la psychologie forme un ensemble de notions dont la biologie ne peut rendre raison. Que dirai-je à cela, quand j’y remarque tout d’abord une confusion que j’ai besoin d’éclaircir avant de me prononcer? Cette confusion est que par le mot de psychologie on comprend tantôt les facultés cérébrales, tantôt les produits de ces facultés. S’il s’agit d’étudier les facultés, je suis avec M. Comte; s’il s’agit d’étudier les produits, je suis avec M. Mill.

Cela vaut la peine d’être plus amplement expliqué. Il est bon nombre d’observations et de faits qui sont inscrits dans les livres des psychologistes, et qui pourtant ont un caractère purement biologique. M. Comte argue contre la psychologie que nous ne pouvons nous observer raisonnans; M. Mill fait remarquer que l’argument n’est pas valable, puisqu’il est prouvé que l’esprit peut non-seulement avoir conscience de plus d’une impression à la fois, mais encore y donner son attention. J’en conviens, et cette remarque est dans les livres des psychologistes; néanmoins elle appartient à la biologie et non à la psychologie. M. Mill ajoute que les faits qui se passent dans l’esprit peuvent être étudiés non dans le moment même de leur perception, mais dans le moment qui suit et quand la mémoire en est encore fraîche. A la bonne heure ; mais cela aussi appartient à la biologie. Enfin il dit que, pour accomplir l’a-