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Ce qu’il y a de plus triste, c’est que, dans l’art de bâtir, les faux pas et les inadvertances ne se réparent pas comme on veut. Allez donc demander qu’on nous rende le pavillon de Flore tel qu’on l’avait reçu ! Faites gratter ces pierres si finement sculptées, détruisez tous ces charmans détails ! Que de main-d’œuvre, que de talent, que d’habileté perdus ! On se révoltera contre votre purisme, il n’y faut pas songer, il faut subir le contre-sens. Notre gros pavillon restera tout cousu de fines broderies et surmonté de figures tapageuses : toutes les disparates à la fois ! C’est un genre de spectacle que nous devront nos arrière-neveux ! S’ils se raillent de nous, vous n’y pouvez plus rien, l’affaire est consommée ; mais au moins faut-il obtenir, il en est temps encore, qu’on ne déguise pas ainsi cet autre pavillon encore debout, là-bas, à l’autre extrémité de ces longues façades. Il est peut-être un peu morose ou tout au moins austère ; sa toilette est modeste, mais il est calme et comme il faut, il a bon air et quelque chose de bonne compagnie. Qu’on le conserve, ne fût-ce qu’à titre de témoin du luxe de Louis XIV comparé au luxe d’aujourd’hui.

La symétrie sans doute exigerait deux pavillons exactement semblables ; mais comme ici la forme générale des deux constructions est à peu près la même, et qu’à si grande distance l’œil ne peut comparer des différences de détail et se tient satisfait par des analogies d’ensemble, on peut, nous le croyons, demander hautement que le pavillon de Marsan, encore solide, ce nous semble, et loin de menacer ruine, soit indéfiniment maintenu tel qu’il est. Et ce n’est pas le seul vœu de ce genre que nous devions former. Demandons grâce avant tout pour les anciennes Tuileries, pour le pavillon central, ses deux ailes et les deux pavillons de Bullant. C’est là comme une arche sainte devant laquelle, espérons-le, la destruction s’arrêtera. Ces cinq corps de logis ont déjà bien assez souffert et des additions de Le veau et d’autres additions plus récentes, sans qu’on s’avise encore de les remanier.

Quant aux deux ailes qui relient les deux pavillons de Bullant aux pavillons de Marsan et de Flore, l’une d’elles, la plus voisine de la rivière, est déjà en partie entamée. On en a démoli et reconstruit une tranche, probablement à titre d’échantillon. Que veut dire en effet ce fronton arrondi posé là en retour d’équerre, et entièrement semblable aux huit autres frontons qui surmontent le nouveau bâtiment substitué à l’ex-galerie d’Henri IV ? Évidemment c’est une amorce qui semble dire : Donnez des fonds et nous continuerons. Eh bien ! franchement l’échantillon n’a rien qui nous séduise. C’est déjà bien assez de tout ce luxe et de tous ces frontons arrondis sur un des côtés de la cour, sans qu’il soit nécessaire