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le 'statu quo' puisse être maintenu, ce n’est pas que nous comptions sur l’âge et sur l’origine des constructions qu’il s’agirait de démolir, nous avons plus de confiance dans les défauts de celles qu’il faudrait imiter.

Attendez-vous pourtant, quand cette architecture sera presque terminée et dégagée des échafauds, attendez-vous à un premier concert d’officieuses louanges ; on se battra les flancs pour admirer, et cette partie du public qui croit ce qu’on lui dit, que les détails amusent, que le luxe éblouit, pourra venir en aide aux Aristarques complaisans. Ce ne sera pas pour longtemps. Le vrai public a des instincts qui font bientôt justice des admirations de commande, et ce n’est pas seulement au théâtre que le parterre est souverain. Hâtons-nous d’ajouter que la critique aussi saura remplir sa tâche. Les arts ont encore chez nous ce privilège qu’ils sont parfois jugés avec indépendance, même au bas des colonnes où le pouvoir chaque jour reçoit pour sa politique des brevets d’infaillibilité. Quant aux artistes, aux amateurs tant soit peu clairvoyans, ils sont tout convertis, leurs convictions sont faites. Jamais peut-être, sur une question de goût, inévitable source de divergences et de contradictions, nous n’avons rencontré un accord si parfait, un sentiment si unanime ; c’est comme un chœur à l’unisson. Y a-t-il un seul approbateur, un admirateur éclairé et désintéressé de ce luxe à la Sardanapale ? Nous sommes encore à le trouver, tandis que les improbations, les plaintes, les regrets, les exclamations désolées, on en recueille plus qu’on n’en veut. Nous nous gardons de rapporter ici, comme empreints d’une vivacité qu’on pourrait croire hostile, bien qu’elle soit seulement pittoresque, les jugemens qu’à tout propos nous entendons émettre sur ces travaux et sur certains détails de l’ornementation, par exemple sur les gaufrures de plomb si épaisses et si volumineuses, sur les crêtes à grand fracas, sur les galons massifs dont tous ces combles sont surchargés, aussi bien ceux du Louvre que ceux des Tuileries. Vous en trouvez partout : ils s’enroulent en bosse autour des moindres ouvertures, lucarnes ou chatières, dont tous ces toits sont percés. Vit-on jamais pareil abus d’un des motifs décoratifs les plus fins et les plus gracieux qu’aient pratiqués nos architectes jusqu’au milieu de l’avant-dernier siècle ? Des crêtes découpées se détachant sur le sommet d’un toit, ou bien encore quelques galons en bordant les arêtes, mais tout cela léger, délicat, aérien, n’attirant pas les yeux, parure de plume en quelque sorte servant à enlever le toit, à lui donner des ailes, voilà ce dont jadis on a pu faire chez nous, ce dont on pourrait encore faire un heureux usage ; mais ici, c’est un affreux fardeau, une accablante charge qu’on impose à ces pauvres toitures ! Et pourquoi ? Pour