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montré fort disposé, dans le traité de Nikolsburg, à rendre au Danemark, s’il le souhaite, les districts de la frontière nord du Slesvig dont les habitans parlent danois. La nation allemande ne demande rien aux autres nations, elle veut seulement avoir la libre disposition de ses propres affaires. Elle décline les réclamations étrangères au moment où elle fait plier sous la loi du bien public ses petits souverains, et elle a le droit d’agir ainsi, parce qu’elle sait bien que le développement de son bien-être ne fait de tort à aucun de ses voisins. Ce ne sera pas un dommage pour la France si désormais nul épisode intérieur de l’histoire d’Allemagne ne donne la tentation à quelque futur hôte des Tuileries de « brûler le Palatinat ; » mais ce sera un grand profit, même pour la France, si l’achèvement de notre réforme intérieure nous met en état de faire monter notre importation française de 200 à 400 ou 600 millions. Sans doute notre unité nous rendra plus forts et plus propres à la guerre qu’auparavant, mais elle servira en même temps les plus graves intérêts du commerce, de l’industrie, de la civilisation, et détournera les esprits des voies de la guerre vers celles de la paix et de la liberté. La devise d’Olivier Cromwell est celle de l’Allemagne d’aujourd’hui : pax quœritur bello.

Jetez un regard sur les institutions par lesquelles l’Allemagne a préparé ses guerres ; chaque détail vous révélera cette pensée, que la paix est le but de l’existence nationale, et que la guerre n’est justifiable que comme un inévitable moyen assurer la paix. La constitution militaire de la Prusse repose sur ces deux principes : que tout citoyen doit le service de la landwehr et que tout citoyen doit venir aux écoles. Parmi les 600,000 hommes qui en ce moment sont sous les armes, il y en a à peine 20,000 qui n’ont pas reçu l’instruction des écoles primaires ; tous les autres en savent assez pour lire chaque jour, en temps de paix, leur journal, — pour s’enquérir, s’ils sont cultivateurs, des services que rend la chimie à l’agriculture, — pour suivre chaque semaine dans les villes, s’ils sont artisans, des entretiens scientifiques. Environ 80,000 de ces soldats, — abstraction faite des officiers et sous-officiers, — ont suivi les études des gymnases, des universités ou des écoles polytechniques. Ces hommes appartiennent à toutes les professions : ils sont fonctionnaires, savans, médecins, commerçans, fabricans ; la mobilisation de l’armée les arrache d’un coup à leur activité féconde pour les jeter au milieu des dangers. Chacun d’eux est prêt à exposer sa vie pour la défense de la patrie ; mais chacun d’eux aspire au moment de la paix et est fort exempt, je vous assure, de tout accès d’ambition militaire. Sur le pied de paix, la troupe de ligne compte 200,000 jeunes gens de vingt à trente ans, qui font dans les régimens une école de trois années, après lesquelles ils rentrent dans la vie civile suffisamment exercés en vue de nécessités nouvelles, mais aussi très pénétrés du souhait de ne se voir éloignés du champ, de la fabrique ou du cabinet par aucun semblable appel ; 12,000 soldats tout au plus dans toute l’armée se vouent par profession a