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de tous les états libres du Nouveau-Monde. Dans une longue dépêche en date du 9 juillet, ils déclarent ne pouvoir assister silencieusement à la violation du droit et à la rupture de l’équilibre américain, ils reconnaissent la solidarité de leurs intérêts avec ceux du Paraguay, et voient dans chaque atteinte portée à l’indépendance de cette république un coup dirigé contre eux-mêmes, une diminution de leur force morale, une humiliation pour les principes qu’ils représentent. Ils assimilent l’intervention du Brésil dans les affaires de ses voisins à celle des Français au Mexique et à la conduite de l’Espagne envers ses anciennes colonies. Enfin, après avoir affirmé qu’ils n’auront point la honte de laisser le Brésil changer le Paraguay en une Pologne américaine, ils annoncent que les nations du Pacifique ont pris à tâche « de rendre leur ligue permanente, précisément afin de garantir et d’assurer à jamais l’indépendance et la souveraineté de tous les peuples d’Amérique. » Ce fier langage produit sur les bords de la Plata une émotion d’autant plus grande qu’il traduit en termes dignes et mesurés les sentimens d’irritation qui règnent dans le peuple. Les journaux avancés ne parlent maintenant de rien moins que de déclarer immédiatement la guerre au Brésil et de la continuer sans trêve ni repos tant que l’esclavage ne sera pas aboli, et l’empire transformé en république fédérale.

La protestation des républiques andines est un événement qui a sa gravité, car il rattache d’une manière définitive le Paraguay aux autres états hispano-américains, et contribuera pour une forte part à faire cesser ce funeste isolement national dont le gouvernement de l’Assomption ne veut plus depuis longtemps, mais qui lui était en grande partie imposé par les conditions géographiques du pays et par les incessantes guerres civiles des populations de la Plata. D’ailleurs le Paraguay lui-même travaille, plus énergiquement encore que ne l’a fait aucune autre république du sud, à la fusion des intérêts et de la politique entre les peuples latins, puisqu’il défend en ce moment non-seulement sa cause, mais aussi celle de tous les riverains du Paraguay et de ses affluens. En déclarant la guerre au Brésil, le président Lopez a parfaitement compris que les destinées de son pays sont indissolublement liées à celles des autres contrées de la Plata, et de cette manière il a indiqué aux républiques andines la politique de solidarité qu’elles avaient à suivre. Redoutant avec raison le voisinage d’une puissance envahissante comme le Brésil, il a senti que, s’il laissait les impériaux s’établir paisiblement à l’entrée des fleuves, c’en était fait, pour tous les états de l’intérieur, de leur ancienne autonomie. Par ce temps d’annexions violentes, il eût été vraiment naïf de permettre aux ennemis traditionnels des Guaranis et des Espagnols de s’établir à la fois en aval et en amont de l’Assomption, et de rétrécir ainsi le cercle fatal dans lequel la