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palais du souverain. En quittant Mandalay, il ne put, comme il en avait eu l’intention, gagner la Chine par la route du nord, en passant par Bhamo, et dut redescendre vers le sud, à Molmein, d’où il se rendit à Siam. Nous allons à la suite de M. Bastian jeter un coup d’œil sur l’empire birman, présenter le tableau rapide des pérégrinations du voyageur et rappeler les circonstances les plus remarquables de son séjour dans la résidence royale.


I

A la fin d’avril ou au commencement de mai s’ouvre la saison des pluies, qui a pour résultat le débordement de l’Iraouaddy et des autres fleuves. Les terres basses et le Pégou sont alors complètement inondés, on ne peut plus communiquer qu’en barque ; les eaux ne se retirent entièrement qu’à la fin de novembre. Dans le nord, la distribution des saisons est un peu différente : l’hiver, qui commence en novembre et finit en février, y est plus froid sans être jamais rigoureux, c’est la belle saison et le temps de la récolte ; en été, les chaleurs n’y sont pas aussi énervantes que dans le reste du pays. Il arrive quelquefois que les pluies font défaut, il en résulte que le riz manque et qu’une disette affreuse surviendrait, si le Pégou, qui n’est jamais exposé à ce malheur, ne produisait assez pour remédier au fléau. L’eau devient si rare et si mauvaise à la fin de la saison chaude que c’est là, pour certains cantons surtout, une véritable calamité, à laquelle la saison des pluies vient heureusement mettre un terme. Le moment qui précède et celui qui suit immédiatement cette dernière saison sont ceux de la plus grande insalubrité à cause des miasmes qui s’exhalent soit de ce sol brûlé et desséché, puis humecté par les premières pluies, soit de ce limon fangeux soumis à l’action d’un soleil ardent : il faut alors éviter de se mettre en voyage.

Les bords de l’Iraouaddy offrent au voyageur un spectacle varié. Tantôt on navigue entre des rives désertes, des forêts, des plaines de sable où l’on ne découvre que des échoppes de marchands établies de place en place pour l’approvisionnement des navires, et des zayat ou maisons en bois destinées à servir de gîte aux voyageurs ; tantôt on voit de côté et d’autre des rochers pittoresques au-dessus desquels se dresse quelque pagode, et l’on aperçoit des villages entre les arbres des collines boisées qui bordent le fleuve. Souvent, dans un canton où il n’y a pas trace d’habitation, des lions de pierre placés en sphinx aux deux côtés d’un escalier vous avertissent qu’il y a près de là un monastère. Enfin on passe devant des villes