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que comme une transformation des mouvemens de l’éther, et la gravité rentre dès lors pour nous dans cette unité majestueuse à laquelle nous avons ramené toutes les forces physiques.

Ainsi chaleur, lumière, électricité, magnétisme, cohésion, affinité chimique, gravité, tout se résout pour nous dans l’idée de mouvement. Tous ces mouvemens se transforment les uns dans les autres, suivant des rapports fixes dont quelques-uns sont connus, dont le plus grand nombre est encore à déterminer. Voyons si l’idée de matière ne va pas dès lors se simplifier et s’éclaircir. À la base de notre système se trouve maintenant l’atome d’éther ; mais y a-t-il (nous le supposions tout à l’heure pour nous faire mieux comprendre), y a-t-il réellement un éther et une matière ordinaire, différente de l’éther par essence ? Y a-t-il, pour parler plus nettement, deux espèces de matière ? Nous ne pouvons plus guère le concevoir, maintenant que tout se réduit pour nous à des mouvemens. En quoi pourraient différer ces deux espèces de matière ? C’est donc que l’une ne serait pas soumise aux lois du mouvement de la même manière que l’autre ! Il y aurait donc deux mécaniques ! Eh ! non ; de même qu’il n’y a qu’un code pour les mouvemens, il ne peut y avoir qu’une seule essence pour la matière, et les molécules de matière ordinaire doivent nous apparaître comme des agrégats d’atomes éthérés. C’est sous cette forme que nous nous représenterons les molécules élémentaires des corps simples, du fer, du plomb, de l’oxygène, du carbone. Les molécules de ces corps ne diffèrent pas dans leur substance, mais diffèrent seulement dans l’arrangement intérieur des atomes éthérés qui les composent. Est-ce parce que le fer, le plomb, l’oxygène, le carbone, s’engagent chimiquement dans des combinaisons différentes que nous soupçonnerions en eux quelque différence substantielle ? Sur quoi porterait cette différence, puisque l’affinité chimique elle-même n’éveille plus en nous que l’idée de mouvement ?

Au point où nous sommes arrivés, on peut considérer dans son ensemble l’hypothèse dont nous venons de tracer les traits principaux. Si on l’admet dans toute sa rigueur, les phénomènes naturels se présentent sous un aspect si simple que l’esprit en est émerveillé et comme effrayé. Le monde physique est composé d’atomes d’une seule espèce. En vertu du mouvement qu’ils ont reçu et qu’ils se communiquent les uns aux autres, ces atomes se groupent et s’enlacent de manière à former les molécules simples, les molécules composées, les corps gazeux, liquides ou solides. C’est à une même cause, c’est à des mouvemens reçus et transformés qu’il faut attribuer, dans l’ordre des infiniment petits, les agrégations moléculaires, et, dans l’ordre des infiniment grands, la gravitation des