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À vrai dire, les divers effets que nous venons de mentionner, — chaleur, lumière, ébranlement sonore, travail mécanique, d’autres effets du même ordre que nous ne mentionnons pas en ce moment, — ne sont que des manifestations diverses d’une même cause. Le mouvement dont chaque molécule est animée à un moment donné constitue pour elle une sorte d’énergie intrinsèque. La mécanique sait apprécier et mesurer l’énergie dont se trouve ainsi doué un corps en mouvement. Le produit de la masse d’un corps par le carré de sa vitesse constitue ce qu’on appelle sa force vive. Ce produit n’a pas, à proprement parler, de représentation physique, et il n’offre d’abord à l’esprit qu’une conception assez abstraite ; mais il prend une importance capitale par cette circonstance, qu’il équivaut au double du travail que le corps peut produire en perdant toute sa vitesse ; il donne donc la mesure de l’effet dynamique que le corps en mouvement renferme dans ses flancs. Nous pouvons dire maintenant, en nous servant de cette notion, que toutes les molécules matérielles possèdent à un instant donné une certaine quantité de force vive. Elles peuvent en perdre une partie, si elles produisent un travail, c’est-à-dire si elles déplacent une massé ; mais alors la force vive qu’elles perdent se trouve emmagasinée dans le travail produit, et elle se régénère quand ce travail se défait. Considérons une machine à vapeur et négligeons toutes les pertes de force ou de travail qui tiennent au mécanisme lui-même ; ne songeons qu’au jeu théorique, idéal, de la machine. La vapeur d’eau se détend en pressant le piston ; chaque molécule de vapeur perd ainsi une certaine quantité de force vive ; ces pertes accumulées font tourner l’arbre découche, qui se meut par exemple en élevant un poids. À la fin de l’opération, toute la force vive que la vapeur d’eau a perdue se retrouve virtuellement dans le poids élevé. Si je coupe la corde qui soutient ce poids, il va tomber et reproduire par sa chute toute la force vive qui a été dépensée pour l’élever ; elle apparaîtra sous forme de chaleur au moment où le corps choquera la terre, et si on pouvait la recueillir et la restituer à la vapeur d’eau, on remettrait celle-ci dans l’état ou elle se trouvait au début de l’opération. Ce que nous indiquons dans cet exemple grossier se passe sans cesse dans la nature entière. Amener la vive force à l’état de travail et la régénérer ensuite, voilà tout le jeu de la nature.


VI

Dès que l’on admet une agitation incessante des molécules, on se rend compte des phénomènes qui se produisent dans les corps quand ils passent de l’état gazeux à l’état liquide et à l’état solide.