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nées la dernière crise, qu’on avait cherché dans les dispositions de l’act, — et cela était présenté comme un des principaux bienfaits de la nouvelle organisation, — les moyens d’empêcher le retour de variations aussi brusques et aussi considérables. Or c’est exactement le contraire qui est arrivé. D’abord l’intérêt descendit immédiatement à 2 1/2 et 3 pour 100 pour se relever à 7 et 8 au moment de la crise de 1847; puis il redescendit encore à 2 1/2 et 3, et il s’y tint jusqu’en 1854. A partir de cette époque, il atteignit le taux de 5 pour 100, et quand plus tard on l’abaissa au-dessous, ce fut pour le relever d’autant plus vite et arriver à des taux désastreux, comme ceux de 8 et 10 pour 100. Il ne fut pas rare de voir dans l’espace d’un mois des variations de 2, de 3 et même de 5 pour 100, comme aux approches des crises de 1857 et de 1864. On put remarquer aussi qu’à partir de 1854 le taux de l’escompte, qui jusque-là avait été en Angleterre inférieur à ce qu’il était dans notre pays, comme le taux de l’intérêt en général, s’éleva constamment au-dessus, bien que le taux de l’intérêt continuât à rester au-dessous, ainsi que le témoignent le prix des consolidés et celui de toutes les valeurs à intérêt fixe. Enfin, si depuis quelques années le taux de l’escompte a varié beaucoup plus en France que précédemment, c’est à l’influence de l’Angleterre qu’on le doit, c’est la conséquence de la solidarité financière qui existe entre les deux pays.

Est-ce à dire que nous rendons l’act de 1844 responsable de ce qu’il n’a pas su empêcher? Non assurément; nous reconnaissons que les crises sont des cas de force majeure, en dehors de l’action du législateur, et que la prudence humaine empêcherait difficilement. Il est par trop évident que la fréquence et la violence de ces crises sont dues avant tout au développement inoui qu’ont pris les affaires en Europe depuis seize ans et particulièrement en Angleterre et en France. Il en est de même des grandes fluctuations du taux de l’intérêt; le capital ne peut pas rester au même prix lorsqu’il ne se multiplie pas en raison des besoins et qu’il est plus demandé qu’offert, ce qui est arrivé depuis seize ans. Toutefois, quelle que soit la part que l’on fasse à cette cause principale, il restera toujours à se demander si l’act de 1844, loin d’atténuer les crises, ne les a pas au contraire aggravées, et s’il n’a pas contribué à amener des paniques là où il n’y aurait eu que des crises. La Banque d’Angleterre, qui dans les momens ordinaires n’a qu’une action modeste sur le crédit, en devient tout à coup la dispensatrice suprême dans les momens de crise, lorsque les ressources sont épuisées partout ailleurs; mais, comme celles qu’elle possède elle-même sont très limitées, et qu’en vertu de l’act de 1844 elle ne peut pas les étendre,