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dera cet isthme aura des ports sur la mer des Indes et l’Océan-Pacifique, à égale distance de l’Hindostan, de la Chine et de l’Australie. Aussi ne faut-il pas s’étonner que la péninsule malaise ait été souvent convoitée par les puissances européennes. Elle a été citée à toutes les époques dans les annales de l’histoire. Ce fut, dit-on, la Chersonèse d’or d’Hérodote. Ce fut aussi le siège de l’une des plus anciennes colonies créées par les Portugais, qui s’y établirent sous la conduite d’Albuquerque il y a trois siècles et demi. La ville de Malacca, qui a donné son nom à l’étroit canal dont cette terre forme l’un des côtés, fut longtemps célèbre, et la cathédrale qu’y édifièrent les premiers conquérans européens renferme encore au milieu de ses ruines le tombeau de saint François-Xavier, l’une des plus belles gloires des missions catholiques. Aujourd’hui l’île de Singapore, qui termine la presqu’île vers le sud, est devenue entre les mains des Anglais ce que, ce peuple commerçant appelle avec raison un emporium, un port franc, un entrepôt de toutes les productions du globe. A mesure que se développent les échanges entre l’Europe et l’Asie orientale, cette pointe de l’Indo-Chine acquiert une importance plus grande. On aimera peut-être à savoir, d’après des documens récens, en quel état se trouvent les villes fondées dans ces parages et quels élémens de prospérité leur sont offerts.


I.

Voyons d’abord ce qu’est le pays lui-même et ce que sont les villes européennes qui y ont été créées. On ne sait pas bien au juste à quelle puissance asiatique appartient la péninsule malaise. Le roi de Siam a la prétention de posséder un droit de suzeraineté sur la partie la plus voisine de son empire ; à l’intérieur, plusieurs petits états indigènes paraissent avoir conservé leur indépendance, ou du moins ne reconnaissent à ce souverain et au gouvernement anglais, qui y a pris pied, qu’une suprématie illusoire. Sur la côte orientale qui regarde le golfe de Siam, quelques ports où des navires étrangers viennent charger les denrées du pays ne sont encore occupés que par les indigènes. Sur la côte occidentale, trois stations, qui appartiennent aujourd’hui aux Anglais, concentrent tout le commerce européen, et servent d’intermédiaires entre les peuplades barbares et le monde civilisé. Ce sont, en commençant par le nord, l’île de Penang avec la province de Wellesley, qui lui fait face, un peu plus bas la ville de Malacca, et enfin, à l’extrémité même de la presqu’île, l’île et la ville de Singapore, dont la prospérité récente a éclipsé les colonies voisines.