Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/676

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les stations lointaines sous le nom de résidens, emprunté aux colonies hollandaises. Chacun d’eux rend la justice dans l’étendue de son ressort, sauf recours à la cour de Sarawak, que le rajah préside lui-même; mais ces résidens n’agissent jamais que de concert avec les chefs indigènes. Un trésorier et deux ou trois officiers forment l’entourage du souverain. Deux petits bateaux à vapeur, qui vont chercher les dépêches à Singapore, et deux canonnières à faible tirant d’eau, qui visitent les stations de la côte et remontent au besoin le cours des rivières, composent toute sa marine. Les équipages de ces bâtimens sont recrutés, à peu d’exceptions près, parmi les naturels du pays. Lorsqu’il y a des révoltes à combattre, on appelle aux armes les hommes valides des tribus les plus fidèles; hors de là, il ne reste qu’un petit nombre de soldats auxquels la garde des forts est confiée. En somme, c’est un gouvernement indigène avec une tête européenne, mais un gouvernement dont la population, le commerce et les revenus s’accroissent chaque année, et qui a eu l’honneur d’être reconnu comme état indépendant par trois nations civilisées, l’Angleterre, les États-Unis d’Amérique et l’Italie.

La capitale de ce nouveau royaume est la ville de Kuching, située à 25 ou 30 kilomètres de la mer sur les bords de la rivière de Sarawak. Le lieu était à peu près désert à l’époque où sir James Brooke en prit possession. Des jungles épaisses couvraient toute la plaine d’alentour; il n’y avait nul commerce, à peine quelques prahos malais venaient parfois y charger les denrées du pays. On y compte aujourd’hui plus de 15,000 habitans, Dyaks ou Malais, Klings ou Chinois, et le commerce, tant en importation qu’en exportation, y atteignait en 1804 une valeur de 12 millions de francs. Les navires y sont exempts de toute taxe. Cependant Kuching est trop éloigné de la mer pour conserver toujours sa prééminence sur les autres ports de la côte. Il est probable que certains de ceux-ci, qui sont plus abordables aux gros navires, acquerront plus tard une importance supérieure à celle de la capitale, à mesure que les indigènes comprendront mieux ce qu’ils ont à gagner en trafiquant avec les étrangers des productions de leurs forêts. C’est ainsi qu’à l’entrée de toutes les rivières, à Égan, à Muka, à Bintulu, ont été créées déjà des factoreries autour desquelles se groupent les villages malais. Ces deux dernières localités n’ont été annexées au royaume de Sarawak que depuis cinq ans, et déjà l’on en exporte des quantités considérables de sagou et de gutta-percha, commerce dont les nikodahs ou marchands malais s’attribuent tout le profit. Ces ports étant situés, ainsi que la colonie anglaise de Labuan, qui en est proche, sur la route de la Chine et du Japon, il ne serait pas étonnant qu’ils fissent un jour une sérieuse concurrence à Singapore