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états, le droit pour les états de fixer les conditions du droit électoral, le droit des états à se gouverner eux-mêmes sans intervention du pouvoir central, le droit des députés loyaux des états du sud à être admis dans le congrès, la nécessité de les soustraire au pouvoir militaire, enfin tous les articles de foi du credo démocratique, placés seulement sous l’invocation et comme sous la sauvegarde du grand principe, désormais inattaquable, de la sainteté de l’union nationale. On sait le mécanisme compliqué de ces grandes assemblées électorales qui sont le produit le plus singulier de la liberté américaine. Elles ont absolument l’organisation et le tempérament d’un corps politique régulier. Les élections s’ouvrent dans chaque paroisse avec toute la solennité accoutumée, absolument comme s’il s’agissait de nommer un membre du congrès ou un président des États-Unis. Souvent ce sont les magistrats eux-mêmes qui convoquent les électeurs de chaque opinion, et qui prêtent successivement l’autorité de leur ministère aux deux partis contraires, tant l’exercice de ce droit incontesté a passé dans les mœurs du pays. Tout cela ne souffre aucune difficulté chez un peuple accoutumé de longue date à l’exercice du gouvernement démocratique, et convaincu d’ailleurs qu’il n’y a pas de vraie démocratie sans l’usage de toutes ces libertés. Quant aux assemblées temporaires qui sortent de ces élections spontanées, elles sont énormes en nombre et de taille à épouvanter nos timidités bourgeoises.

On vit donc, vers le milieu du mois d’août dernier, s’assembler dans la ville des quakers douze cents étrangers venus de tous les points de l’horizon. Depuis la Californie, qui avait expédié son vote par le télégraphe, jusqu’au Massachusetts et à la Caroline du Sud, dont les délégués entrèrent bras dessus bras dessous dans la salle des séances, tous les états de l’Union y avaient envoyé le ban et l’arrière-ban des politiciens encore attachés à la politique du président. Les républicains conservateurs y étaient venus avec les démocrates; les soldats de l’armée fédérale y donnaient la main aux anciens soldats confédérés; l’homme politique rasé de la Nouvelle-Angleterre fraternisait avec le farouche mangeur de feu (fire-eater) du sud, à la barbe inculte et aux habits débraillés. Il faudrait remonter jusqu’à nos anciens états-généraux ou jusqu’à notre moderne assemblée constituante pour trouver dans notre histoire le spectacle d’un aussi vaste rassemblement. Seulement ces Américains paraissaient plus sûrs de leur expérience et moins étonnés du rôle qu’ils avaient à jouer. La convention prit ses quartiers dans cet immense Hôtel continental, bien fait pour servir de gîte aux délégués de tout un continent. Elle y loua une centaine de chambres pour l’installation de ses bureaux et de ses comités. Elle se