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Ovide a eu, dans ses Fastes, occasion de mentionner plusieurs localités de Rome, et j’ai eu soin de les signaler quand elles se présentaient. Les abords et les monumens du Palatin sont décrits dans une élégie des Tristes, et par le livre même d’Ovide, ce livre qu’il envie, parce qu’il verra Rome. « Je suis, dit-il, le livre du pauvre exilé, envoyé par lui à Rome. Indiquez-moi mon chemin dans cette ville où je suis étranger. Un seul ami s’est offert pour me guider. » Le livre suppliant se met donc en route vers le Palatin, il vient au quartier des libraires, près de l’Argiletum et de la Suburra. « Voici d’abord, lui dit son guide, les fora de l’empereur, c’est-à-dire le forum de César, le forum d’Auguste et l’ancien forum du peuple romain, devenu lui aussi le forum de César ; puis voici la voie Sacrée ; ceci est le lieu saint où Vesta garde le Palladium et le feu divin. A côté fut l’humble Regia de l’antique Numa. » Nous pouvons suivre facilement de place en place le livre errant ; sa marche nous a conduit au forum d’Auguste près de l’arc de Titus. Là, nous tournons avec lui à droite, et entrons par la porte du Palatin, voisine du temple de Stator. Nous arrivons ainsi à la maison d’Auguste ; nous reconnaissons les lauriers qui croissaient devant la porte, la couronne de chêne en mémoire des citoyens conservés, ce qui fournit au livre d’Ovide l’occasion de s’écrier : « Joins, père très bon, à ceux que tu as conservés un citoyen relégué aux extrémités de la terre ! »

Puis, poursuivant sa route, le livre, avec son guide, monte l’escalier du temple d’Apollon, escalier que les vers d’Ovide nous prouvent avoir été très élevé :

……. Gradibus sublimia celsis
Ducor ad intensi candida templa dei.


Il voit les statues des Danaïdes et nous apprend que Danaüs était représenté un glaive à la main. Enfin il veut entrer dans la bibliothèque. « Là, je cherchais mes frères, dit-il, excepté ceux que leur père voudrait n’avoir pas mis au monde, » c’est-à-dire les trois livres de l’Art d’aimer, cause ou plutôt prétexte de sa ruine. Ce jeune frère veut prendre place près de ses aînés ; mais le gardien du lieu, le custos, comme on dit encore à Rome (custode), repousse l’étranger et le force à sortir de ce lieu saint. Il gagne alors les temples qui touchent au théâtre voisin, c’est-à-dire tente de pénétrer dans la bibliothèque du portique d’Octavie, placée près du théâtre de Marcellus, puis dans l’atrium de la Liberté, dans la bibliothèque de Pollion ; mais là encore l’entrée lui est refusée. Tout cela veut dire, ce me semble, que les bibliothèques impériales et particulières se fermèrent devant le livre qui contenait