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session du trésor doit s’étendre à ses possesseurs actuels, les rois des Niflungen, Gunnar et Hœgni. Atli, ce roi du Hunenland dont Gunnar était devenu le beau-frère, Atli, furieux de la mort de sa sœur Brynhild, feint de se réconcilier avec les deux princes, et son mariage avec leur sœur Gudrun scelle cette réconciliation. En réalité, Atli désire s’approprier à son tour le fatal trésor. Bientôt Gunnar et Hœgni sont invités à se rendre à sa cour pour assister à des fêtes. Malgré les sinistres présages qui signalent leur départ, ils se livrent au pouvoir de leur nouveau beau-frère. Ici encore le courant légendaire se partage en deux branches, dont l’une attribue à Gudrun des sentimens de haine inextinguible pour ses frères, dont l’autre veut au contraire qu’elle ait pris leur parti auprès d’Atli, et même qu’elle ait tiré l’épée pour leur défense. Ces deux branches se rejoignent toutefois dans une donnée commune, à savoir que les rois des Niflungen durent céder à la force. On arracha le cœur à Hœgni encore vivant, qui se mit à rire pendant qu’on lui ouvrait la poitrine. Gunnar fut jeté dans une tour pleine de serpens venimeux. Il avait réussi à les endormir tous aux sons merveilleux de sa harpe, qu’à défaut de ses mains enchaînées il faisait vibrer avec ses pieds ; mais il y eut une vipère qui persista à rester éveillée et le mordit jusqu’au foie. Cette vipère était la mère d’Atli.

Mais à son tour Atli n’échappera pas à la fatalité qui marque du sceau mortel tous les personnages de cette histoire. Gudrun ne lui pardonne point le meurtre de ses frères, et elle en tire une effroyable vengeance. Atli avait deux fils d’un autre lit.


« Elle attira doucement les enfans à elle, et les fit asseoir sur le banc. Ils s’effrayèrent, mais ne pleurèrent point.

« — Sur le sein de notre mère, pourquoi devons-nous venir tous deux ?

« — Dois-je le dire ? Je veux vous tuer ; il y a longtemps déjà que je désire vous enlever la vie. »


Elle leur trancha la tête, et de leurs crânes fit des coupes où elle mêla leur sang à l’hydromel qu’elle offrit à Atli, puis elle lui fit manger leurs cœurs apprêtés comme des cœurs de veau, et quand elle lui eut révélé ce qu’elle avait fait, elle ajouta ; « Tu n’as mangé que de cela, et tu n’en as rien laissé… Oh ! ce serait pour moi une volupté de t’égorger toi-même. » Mais c’est Hniflung, fils d’Hœgni, qui venge son père en tuant Atli. Ailleurs on raconte que Gudrun ne voulut pas laisser à d’autres le soin de sa vengeance, qu’au sortir de l’épouvantable festin elle attira Atli près d’elle par de trompeuses caresses, et le poignarda après lui avoir dit ce qu’il avait mangé et bu ; puis elle mit le feu à la salle du festin, et tous ceux qu’elle renfermait périrent. Elle voulut ensuite se noyer, mais elle