Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/956

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la volonté intervient ; mais deux remarques sont à faire. D’abord l’action mécanique ainsi réservée à la volonté se trouve, par les considérations qui précèdent, réduite graduellement à une si extrême petitesse qu’elle semble s’effacer. Ajoutons en second lieu que la volonté ne crée pas ce travail, si imperceptible qu’il soit. Elle ne peut être conçue que comme un agent spécial de transformation dans les mouvemens infiniment petits. Son acte direct, — à plus forte raison son acte réflexe, — à quelque ténuité qu’il soit réduit, ne va pas sans une modification subtile des tissus où il s’opère, sans un je ne sais quoi qui est une transformation délicate de mouvemens moléculaires. En remontant de l’action musculaire à l’action nerveuse proprement dite et au jeu de la volonté, nous avons atteint la limite où les phénomènes physiques font place aux phénomènes moraux, et nous n’avons point à la franchir. Dans les termes où nous sommes resté, on a pu voir comment se vérifient chez les êtres vivans les principes auxquels nous avons été conduit par l’étude du monde inorganique. Notre conception de l’univers physique eût été trop incomplète, s’il nous avait fallu en retrancher tout ce qui touche à la vie. Nous pouvons maintenant, sans laisser derrière nous une si formidable lacune, reprendre la synthèse que nous avons entreprise et tenter de lui donner sa dernière formule.


XIII.

Cuvier disait dans son Histoire du Progrès des Sciences naturelles : « Une fois sortis des phénomènes du choc, nous n’avons plus d’idée nette des rapports de cause et d’effet. Tout se réduit à recueillir des faits particuliers et à rechercher des propositions générales qui en embrassent le plus grand nombre possible. C’est en cela que consistent toutes les théories physiques, et, à quelque généralité qu’on ait conduit chacune d’elles, il s’en faut encore beaucoup qu’elles aient été ramenées aux lois du choc, qui seules pourraient les changer en véritables explications. » On ne peut pas dire que les physiciens aient rempli déjà le programme tracé par ces paroles. Et pourtant, si l’on jette un regard en arrière sur le chemin que nous venons de parcourir, si l’on embrasse dans une vue d’ensemble tous les faits que nous avons cités, on se sentira de plus en plus affermi dans cette pensée, que tous les phénomènes physiques consistent dans l’échange et la transformation des mouvemens matériels. Dira-t-on que notre examen n’a pas toujours été assez sévère, que nous avons affirmé quelquefois, quand il fallait exprimer un doute, que nous n’avons pas toujours accentué suffisamment les réserves auxquelles nous étions conduit ? Nous ne nous