Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pare dans les parties les plus rapprochées sous la ligne est d’environ 150 kilomètres. Ces deux immenses réservoirs ne sont pas au même niveau. Le lac Victoria est de 7 ou 800 pieds plus élevé que le lac Albert. C’est donc dans ce dernier que coulent toutes les eaux qui tombent dans cette partie de l’Afrique équatoriale. La découverte de ce lac était le but principal du voyage de Baker ; mais il lui restait à déterminer la place où le Nil de Speke y entre et celle où il en sort, et à montrer que ces deux courans ne forment qu’un seul et même fleuve.


V.

Baker se trouvait à quinze cents pieds au-dessus du niveau du lac, quand il aperçut pour la première fois cette magnifique nappe qui s’étendait à ses pieds. La pente par laquelle il fallait descendre pour atteindre le niveau de l’eau était des plus rapides. Après une marche pénible de deux heures, il arriva sur une belle pelouse qui formait en cet endroit la ceinture du lac. La plage était un fond de cailloux blancs, sur lesquels les vagues déferlaient en faisant entendre un léger murmure. Il dressa sa tente dans le village de Vacovia, situé sous le 1° 15′ de latitude nord et le 28° 30′ de longitude est. Il n’était habité que par des pêcheurs.

Le lendemain, toute la troupe de notre voyageur resta couchée, — retenue par la fièvre, qui s’était emparée d’elle immédiatement après son entrée dans le village. Tout étranger qui arrive pour la première fois sur les bords du lac Louta-N’zigé doit payer ce tribut. Cet accès passé, Baker réclama les bateaux que Kamrasi lui avait promis pour se rendre à l’embouchure du Nil. On s’empressa de les aller chercher ; mais le temps a peu de valeur pour le nègre, il se hâte lentement, et ce ne fut qu’au bout de huit jours que Baker vit arriver deux bateaux, l’un de vingt-six pieds de long, l’autre de trente-deux, qui avaient chacun deux paires de rames. Le manche de ces rames était fort artistement travaillé, la poignée bien faite, la pale large et légèrement concave. Notre voyageur s’établit dans le plus grand des deux, et recouvrit le centre d’une bâche, pour que sa femme n’eût pas trop à souffrir de l’ardeur du soleil. Avant de partir, il donna quelques grains de verroterie au chef de Vacovia, qui les jeta religieusement dans le lac pour lui assurer une heureuse navigation. Ce fut par une belle matinée que les deux embarcations quittèrent le rivage en tournant leurs proues vers le nord. Le lac était calme, le ciel un peu nuageux et moutonné, mais rassurant. Nos marins n’osaient pas perdre la plage de vue ; quelquefois ils s’en séparaient d’un ou deux kilomètres, pour ne pas donner sur des bancs de sable, mais le plus