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électorale. M. Disraeli a déjà fait connaître la tactique, la procédure que compte suivre le ministère plutôt que le plan, même de distribution du pouvoir politique auquel il s’est arrêté. La procédure adoptée par M. Disraeli peut être très utilement employée dans une assemblée politique quand il s’agit de faire concourir des opinions très diverses ; à la solution d’une question très complexe. Elle consiste à poser dans une série de résolutions les principes généraux d’après lesquels devront être réglés les détails de la mesure préparée. Si l’on peut mettre les sections de la chambre formant la majorité d’accord sur les principes formulés en résolutions ; l’économie de la loi est trouvée et le détail va de soi. Telle est la méthode que M. Disraeli veut appliquer à la loi sur la réforme, et jusqu’à présent dans le spirituel et ingénieux discours qu’il a prononcé sur la question, il n’a fait encore que justifier le procédé auquel il a recours. Il a communiqué à la chambre ses résolutions, mais il ne les expliquera et ne les développera qu’à la fin de ce mois. Nous ne savons si cette tactique de M. Disraeli est aussi habile au fond qu’elle semble l’être en apparence. L’éminent leader des communes déplace ici l’initiative législative, il abandonne comme ministre cette initiative et la transporte à la chambre des communes. Il veut que la réforme électorale soit non la combinaison préférée d’un ministère ou d’un parti, mais l’œuvre collective de la chambre tout entière. Peut-être, pour que la nouvelle loi électorale qu’il s’agit de construire ait un caractère plus définitif, et puisse fournir la carrière d’une génération d’hommes sans donner prétexte à des récriminations violentes et à des agitations tumultueuses, est-il bon que le vote de cette loi n’ait pas le caractère d’un triomphe de parti. Un ministère tory qui ne dispose point de la majorité dans la chambre des communes, et qui ne peut compter sur les faveurs de la popularité, a le droit de prendre ces précautions prudentes quand la destinée l’oblige à présenter un bill de réforme ; mais la chambre des communes acceptera-t-elle les avances du ministère, entreprendra-t-elle volontiers la tâche à laquelle on la convie en dehors de la stimulante impulsion des compétitions de partis ? Cela est loin encore de paraître certain. La construction d’une loi électorale complexe et surchargée de minuties ne sera jamais entreprise de bon cœur et conduite avec bonne grâce par la chambre des communes.

Des hommes de mérite que la mort frappe au milieu de nous, ceux de qui nous tenons le plus à porter les noms à l’attention du public sont justement ceux qui n’ont pas pu donner toute la mesure de leur valeur, et à qui une fin prématurée dérobe une légitime réputation. Parmi ces morts frappés ayant l’heure et avant que leurs compatriotes aient eu le temps de les connaître assez, nous citerons l’amiral Page, qu’une maladie foudroyante a détruit en quelques heures dans la plénitude des forces de son intelligence et de son caractère. L’amiral Page fut un des collaborateurs distingués de la Revue ; il écrivait avec une chaleur merveilleuse. L’élo-