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« Hemla, qui, dès son enfance, avait lu dans les livres sacrés, recouvra peu à peu la mémoire des événemens ; mais les mystères du temple Atanor lui furent à jamais voilés, et le dieu unique des géans et titans barbares, qui avait béni son amour, fut celui qu’elle transmit à sa postérité.

«… Elle enseigna à ses fils les arts de la civilisation, et tandis que Némeith détruisait les monstres vomis par le déluge, Amphion bâtissait une ville en pierres blanches qui fut appelée Ataba ou Thèbes, la ville mère. Zéthus retrouva dans l’herbe les débris du vieux monde et releva au pays d’Our la ville d’Asgard où avait régné Arhimaz. »

On voit par ces fragmens avec quelle simplicité de formes l’auteur raconte ce drame immense. La vision terrifiante d’Un monde qui s’écroule gagne, selon nous, à n’être pas chargée de détails et d’épithètes. Où Psammos, écrivain de la décadence, a-t-il puisé ce mélange d’élégance grecque et de sobriété biblique ? Dans les traditions recueillies chez les barbares ou dans la fréquentation des pâtres de la Chaldée ? Je l’ignore, mais il me semble qu’il a dû lire souvent aussi le ferme et pur récit des prêtres de Saïs rapporté par Platon. À cette salutaire étude de la forme antique, l’auteur a joint adroitement, et sans qu’on sente l’intrusion, les qualités de l’art moderne, l’habileté de composition, la rapidité des événemens, l’heureuse influence du sentiment de la peinture sur le procédé descriptif.

Nous avons suivi la ligne principale du roman ; à cette arête se rattachent les ramifications de nombreuses aventures, et une foule de personnages indiqués avec une grande fermeté de main. Une figure neuve, horrible et charmante est celle d’Ized, l’Atalante qui remporta tous les prix dans les jeux publics, et qui a été vaincue à la course par le coq de la Gétie. Ized vit avec les péris qui, au pays atlante, ne sont nullement méprisées ; mais elle vit chaste, fière et triste. Elle vide d’un trait les larges coupes de vin et reste impassible et froide. Quel secret amer cache donc sa douleur ? Il semble qu’elle aime Némeith ; mais elle aime aussi la belle et douce Hanaïd, dont elle a voulu être la servante et qu’elle fait périr dans un accès de fureur et de désespoir. Elle l’ensevelit et fuit en dérobant ses longs cheveux qu’elle a coupés et réunis en une seule tresse. Elle va se cacher dans la grotte d’Our et roule un rocher à l’entrée. Là elle ralluma le feu, monta sur une pierre, passa la tête dans le nœud coulant formé par la tresse, « et, ayant appelé trois fois Hanaïd, elle s’élança dans le vide. Un instant le bout de ses pieds agiles effleura le sable comme si elle eût voulu fuir devant la mort ; mais bientôt ils pendirent immobiles et glacés. Le feu de genévrier pétilla une dernière fois et s’éteignit.

« Tout rentra dans l’ombre et le silence.

« Elle avait vingt ans et avait reçu le jour dans cet antre. »

Qu’était-ce donc qu’Ized ?

Une descendante de l’antique race androgyne issue des anges, persécutée par les hommes et qui passait pour disparue.

Cette figure, celle de la gorgone, celle de Mouza l’avaleuse de gemmes