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I.

Deux sectes politiques ont également altéré, si je ne me trompe, la physionomie de l’histoire en Italie, les néo-guelfes et les néo-gibelins. Je ne leur reproche pas seulement les plaidoyers historiques pour ou contre les papes illustres, les Grégoire VII, les Innocent III, les Boniface VIII, les Jules II, — les réquisitoires et les apologies sur les empereurs et princes allemands, tels que Frédéric Barberousse, Frédéric II, Manfred. On a défiguré tout le rôle de la papauté et de l’empire, on a répandu de nouvelles ténèbres sur ces querelles déjà si obscures de guelfes et de gibelins, qui sont l’existence même du peuple italien. En effet, le jour où l’on a pu dire, sans trouver de contradicteurs, que guelfe signifiait ami et gibelin ennemi de la papauté, un triple sceau a été mis sur l’histoire de l’Italie. Combien cependant n’y avait-il pas d’exemples de papes fulminant l’anathème contre des cités guelfes, de peuples guelfes guerroyant contre les papes ! Et que voulaient donc les empereurs quand ils assiégeaient des villes gibelines? Il y a ici des malentendus qui ne tiennent pas seulement à l’obscurité des temps, et l’on peut aisément faire dans les erreurs la part qui revient à chacune des deux sectes.

Les néo-guelfes chargent à plaisir les Lombards, et veulent que les autres peuples barbares qui ont envahi, déchiré, labouré l’Europe en tous sens aient été humains et miséricordieux en comparaison des féroces compagnons d’Alboin. Vainement Paul Diacre, qui a vécu sous les Lombards, dit-il que, leur domination ayant été établie, on ne voyait ni meurtres ni violences; « personne ne se rendait plus coupable d’exactions, plus de vols ni de brigandages; chacun pouvait aller sans crainte où il lui plaisait. » Cet âge d’or, dont la réalité n’est peut-être que relative, on le juge invraisemblable, et l’on torture la phrase de Paul Diacre pour lui faire signifier autre chose. Les exemptions féodales accordées par les Othons et les autres empereurs d’Allemagne sont diminuées autant que possible; en revanche l’intervention des descendans de Clovis, des Carlovingiens et plus tard des rois de France est le plus souvent généreuse et désintéressée. Pourquoi ces travestissemens des faits? C’est qu’il faut que les papes aient été les seuls protecteurs efficaces des races latines; il faut que les communes ne soient pas nées spontanément et du hasard des circonstances. Et plus tard, quand les petites tyrannies ont commencé, quand l’étranger s’est partagé l’Italie sanglante, mutilée, dont les six ou sept tronçons ne peuvent se rejoindre qu’au bout de trois siècles et demi, la faute en a été