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vertu si longtemps méconnue. Nous avons là non-seulement toute une philosophie de l’histoire, mais encore un moyen simple et facile de mesurer le degré de civilisation des différens peuples : du même coup l’Angleterre tombe au dernier rang, et l’Espagne monte au premier. On ne cherchera plus désormais un moyen de régénérer le monde : supprimez les établissemens de bains dans toute l’Europe, et vous aurez rendu un immense service à l’humanité. La méthode est d’ailleurs applicable aux individus comme aux nations : voulez-vous grandir en force et en sainteté devant Dieu, ayez le courage de renoncer à de malheureux préjugés, et cessez de vous vautrer dans la propreté ; tel est le chemin de la perfection. Hélas ! il disait donc vrai, ce voyageur fantaisiste qui, saisi de dégoût en visitant je ne sais plus quel couvent d’Italie, s’écriait dans sa perplexité : « La sainteté ne serait-elle donc que l’art de puer selon certaines règles ? »

Mais l’hygiène et la morale de M. Veuillot nous font oublier son système comme chef de parti ; ce système n’a pas changé : c’est purement et simplement le vieil absolutisme clérical, et au fond il ne diffère en rien de celui de ses émules du haut clergé. Comme MM. Plantier et Dupanloup, M. Veuillot poursuit de ses anathèmes le philosophisme, le protestantisme et la révolution, — Garibaldi, Littré et Renan ; mais il a sur ses coopérateurs un grand avantage, celui de la franchise. Il déclare à haute et intelligible voix qu’à ses yeux « un peuple de démocrates est un peuple d’histrions. » Il n’est pas académicien ; il se soucie peu de plaire ou de déplaire à M. Thiers ; il ne se dit pas à chaque instant, comme M. Dupanloup, qu’il doit écrire avec les manchettes de M. de Buffon. Il se moque même très agréablement de M. Prevost-Paradol, qui s’est un peu pressé de le féliciter de sa conversion au libéralisme. Oui, sans doute, lui répond-il sur un air bien connu, je suis pour la liberté, mais pour celle de la vérité et non pour celle de l’erreur. On sait la suite du raisonnement : la vérité, c’est moi, et l’erreur, c’est vous ; donc, etc. Cette déclaration est catégorique, et l’on sait du moins à quoi s’en tenir avec le libéralisme de M. Veuillot. Interrogeons sur ce point M. Plantier. Sa doctrine en cette matière est absolument la même, mais que de précautions oratoires pour en atténuer l’expression !

« Ce n’est pas, nos très chers coopérateurs, nous le déclarons avec franchise, que nous soyons partisan absolu de toutes les libertés politiques glorifiées même par des hommes très honnêtes et parfois très chrétiens de notre époque. Il en est plusieurs auxquelles en vertu des vraies doctrines théologiques nous pourrions faire d’irréfutables objections. »