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et qu’elles sont causées par des vapeurs s’efforçant de briser l’écorce terrestre. A bien plus forte raison une assertion semblable serait-elle contraire à toutes les règles de l’observation scientifique lorsqu’il s’agit de tremblemens de terre qui se produisent loin de tout volcan. Il est vrai que par une autre hypothèse on assimile ces montagnes brûlantes à d’immenses soupapes de sûreté, et l’on prétend que les oscillations du sol doivent précisément se faire sentir sous les parties de l’enveloppe planétaire où ne se trouve aucun orifice en communication avec les laves; mais comment se fait-il alors que les ondulations du terrain ne se reproduisent pas d’une manière constante loin de ces gigantesques évens placés au bord des mers, et pourquoi les éruptions fréquentes du Vésuve et de l’Etna ne préviennent-elles point les tremblemens de terre des Calabres en donnant issue aux vapeurs et aux laves emprisonnées?

Ceux qui voient dans les volcans une soupape de sûreté pour les régions avoisinantes présentent en faveur de leur théorie quelques faits qui sont passés à l’état de légende, mais dont la réalité est loin d’être certaine, ainsi qu’Otto Volger l’a surabondamment démontré. Ainsi, lors du tremblement de terre de Lisbonne, le Vésuve, qui vomissait une quantité considérable de vapeurs, aurait « aspiré » soudain le nuage qu’il rejetait, et le courant de lave sorti de ses flancs se serait tari tout à coup; mais ces affirmations tranchantes reposent uniquement sur une phrase beaucoup moins précise du récit de Kant consacré à la catastrophe de Lisbonne. D’ailleurs le philosophe de Kœnigsberg, jeune alors et n’ayant jamais quitté sa ville natale, avait accueilli dans sa description bien des fables qu’on ne songerait pas même à discuter de nos jours. Humboldt, bien plus autorisé en pareille matière que ne l’était Kant, nous dit qu’après avoir vomi pendant trois mois une haute colonne de fumée, le volcan de Pasto cessa de lancer des vapeurs au moment précis où, à une distance de 400 kilomètres, le tremblement de terre de Riohamba et l’éruption de boue de la Moya causaient la mort de 30 à 40,000 Indiens. Toutefois le grand nom de Humboldt ne doit pas faire oublier que les communications sont rares et difficiles sur les plateaux des Andes, et que les populations à demi barbares parsemées dans cet espace de 400 kilomètres ne présentent pas toutes les garanties suffisantes au point de vue de l’observation scientifique. On peut en dire autant des llaneros de l’Apure dans le Venezuela, et rien ne prouve qu’ils aient en effet entendu un effroyable tonnerre souterrain à l’instant même où le volcan de Saint-Vincent faisait éruption à 1,175 kilomètres de distance en droite ligne. Enfin cette assertion d’après laquelle le Stromboli se serait reposé de son incessante activité pendant le tremblement de terre des Calabres en 1783 ne repose que sur les renseignemens les plus vagues. D’après des brochures de l’époque, toutes les îles Éoliennes ne devaient-elles pas s’être abîmées dans la mer en laissant à peine quelques écueils pour marquer l’emplacement où elles se trouvaient jadis? On le voit, les