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la planète pour se débarrasser soit des gaz, soit des matières fondues de l’intérieur, c’est dans les plaines continentales, loin des volcans et des hautes terres, que le sol devrait le plus souvent trembler, car il ne s’y trouve pas d’évens naturels pour dégager le trop-plein des laves, et c’est là que d’après la théorie commune les couches terrestres doivent être le plus minces.

Il y a deux mille ans déjà, Lucrèce exposait en un magnifique langage la théorie reprise aujourd’hui scientifiquement par M. Otto Volger et d’autres géologues : « Apprends maintenant la cause des tremblemens de terre, et persuade-toi surtout que l’intérieur du globe est, comme la surface, rempli de vents, de cavernes, de lacs, de précipices, de pierres, de rochers, et d’un grand nombre de fleuves intérieurs dont les flots impétueux emportent et roulent des roches submergées; car la raison veut que la terre soit partout semblable à elle-même. Les tremblemens de la surface du globe sont occasionnés par l’écroulement intérieur de quelques énormes cavernes que le temps vient à bout de démolir, car ce sont des montagnes tout entières qui tombent et dont la secousse violente et soudaine doit se propager au loin par de terribles révolutions : c’est ainsi qu’un chariot, dont le poids n’est pourtant pas considérable, fait trembler sur son passage tous les édifices voisins, et les coursiers fougueux, en faisant rouler les bandes des roues armées de fer, secouent tous les lieux d’alentour. Il peut arriver aussi qu’une masse énorme de terre tombe de vétusté dans un grand lac souterrain et que le globe vacille par une suite d’ondulations; de même à la surface de la terre un vase plein d’une onde agitée ne peut reprendre son équilibre tant que l’eau qu’il contient n’a pas trouvé son niveau. »

Dans un grand nombre de cas, cette théorie de Lucrèce est certainement la vraie, car il est souvent possible de prendre sur le fait, pour ainsi dire, les chutes de rochers qui donnent lieu aux oscillations du sol et aux tonnerres souterrains. Ainsi les grands éboulemens des Diablerets, du Kossberg et d’autres montagnes des Alpes ont causé de véritables tremblemens de terre dont les ondes ont été ressenties à une distance considérable du lieu de la catastrophe. Même les écroulemens de moraines, les chutes de séracs et les avalanches de neige secouent fortement la terre sur de vastes espaces, si bien que dans les montagnes d’Allemont en Dauphiné les habitans considèrent toutes les vibrations du sol comme les contre-coups de lointains effondremens de neiges ou de glaces. Cependant ces phénomènes ne sont que des événemens sans importance comparés aux tassemens de rochers. Dans la Carniole et l’istrie, où les tremblemens de terre sont fréquens, les nombreuses grottes du pays sont obstruées çà et là de roches écroulées qui correspondent à des puits d’effondrement creusés en entonnoir à la surface du sol. Ces tassemens d’assises, dont l’homme est parfois le témoin soit dans les pays creusés de grottes naturelles, comme la Carniole, soit aussi dans les régions minières percées de galeries souterraines,