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ouvrières font bonne garde autour des prisons, empêchent les rivales puînées d’en sortir, et ne laissent les exécutions s’accomplir que lorsque la nouvelle reine a été fécondée, et que l’avenir de la ruche se trouve ainsi assuré. Si, malgré cette active surveillance, deux reines éclosent à la fois, il y a des combats terribles qui se terminent toujours par la mort de l’une des deux prétendantes. Quand une ruche a perdu sa reine à un moment où il est impossible aux abeilles de la remplacer par voie d’élection parmi les larves d’ouvrières, il faut que l’homme leur vienne en aide par l’introduction d’une reine étrangère; mais, si on se hâte trop d’exécuter cette substitution, on risque de voir la nouvelle souveraine étouffée par ses sujets, qui n’ont pas encore eu le temps de s’apercevoir de toute l’étendue de la perte qu’ils ont faite.

Les mœurs des fourmis sont encore plus étranges que celles des abeilles. Elles ont été étudiées surtout par Pierre Huber, fils de celui dont nous avons parlé. Rien d’attachant comme les récits que cet observateur nous a laissés des expéditions entreprises par les fourmis roussâtres contre les citadelles des noires cendrées. Quelquefois c’est la possession d’un troupeau de pucerons qui allume la guerre entre deux fourmilières; on sait en effet que les fourmis élèvent des pucerons et les tiennent en étable comme des vaches à lait pour se gorger du liquide sucré que ces insectes abandonnent par une poche de l’abdomen. Le plus souvent cependant les expéditions ont pour but la traite des esclaves; les vainqueurs emmènent dans leur nid le couvain arraché à l’ennemi. Telle est l’origine des fourmilières mixtes, qui renferment, à côté de l’espèce indigène, une espèce étrangère réduite en esclavage. Ces ilotes, arrachés à leur berceau et élevés dans la crainte des maîtres, s’habituent bientôt à leurs ravisseurs et ne songent point à les abandonner. Ils leur rendent toute sorte de services et sont pour eux aux petits soins; ils les lèchent, les brossent, les voiturent sur leur dos, leur apportent la nourriture et font l’éducation du couvain. Les maîtres rejettent sur eux toute espèce de travail, ne se réservant que la guerre. Ils entreprennent de temps à autre une nouvelle campagne. S’ils reviennent sans butin, les ilotes les boudent et les traitent avec dédain ; mais, si l’expédition a été fructueuse, ils sont fêtés et honorés comme ils le méritent. Une fourmilière, on le voit, pourrait avoir ses annales, comme elle a ses victoires et conquêtes.

Les termites, improprement appelés fourmis blanches, appartiennent à l’ordre des névroptères; les ravages qu’ils exercent peuvent nous inquiéter depuis qu’ils ont envahi les villes du sud-ouest de la France. M. Figuier raconte les expériences que M. de Quatrefages a entreprises pour trouver un remède contre ce fléau; les injections de chlore gazeux sont le procédé qui a le mieux réussi jusqu’à présent. L’ordre des orthoptères et celui des coléoptères renferment également de terribles ennemis de l’homme. Les invasions des sauterelles qui dévorent les champs de nos colons en Afrique,