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LA CRETE
ET
LA QUESTION D’ORIENT

Depuis quatre mois, la Crète est un champ de bataille; un peuple qui a conscience de ses droits se lève et meurt pour sa liberté. L’Égypte, qui ne voit pas que l’affranchissement des Crétois est un gage de sa propre indépendance, jette ses soldats sur cette île infortunée, tandis que les Turcs, au sein de l’indolence, se réjouissent de mettre aux prises des vassaux dont l’accord ébranlerait leur empire. Les massacres dureront peut-être longtemps : la chaîne du mont Ida sera aussi favorable à une guerre de partisans que l’ont été les montagnes du Péloponèse de 1821 à 1829; mais, quelle que soit l’issue de cette lutte, l’honneur des puissances occidentales y est engagé. Chaque goutte de sang versé crie vers l’Europe : « Où sont vos promesses? car notre délivrance était inscrite dans les protocoles du 6 juillet 1827. Où est votre protection? car vous avez dicté en 1856 ce hatt-humayoun qui n’est qu’une fiction. Où est votre politique, que n’ont invoquée en vain ni les Roumains du Danube ni les Arabes de Tunis et du Caire? Où est votre conscience de chrétiens qu’avaient réveillée les massacres de Syrie? Où est votre reconnaissance pour les fils de cette Grèce qui fut le berceau de vos idées, de vos arts et de votre civilisation? Athènes et Corinthe sont libres; n’avons-nous pas les mêmes droits, nous qui avons combattu aussi courageusement pendant la guerre de l’indépendance et que vous avez replacés sous le joug des musulmans? »

Dans un autre temps, cet appel eût ému l’opinion publique. Il y