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cherche et à la classification des phénomènes naturels, il s’appliqua aussi aux choses de la pensée et aux œuvres de la littérature et des arts. C’est le temps où furent composés sur les poèmes d’Homère et d’Hésiode ces grands travaux de critique dont les textes que nous possédons ont été le résultat. Cette œuvre de la critique fut certainement littéraire, mais elle fut principalement grammaticale. C’était, il est vrai, de la grammaire appliquée, mais enfin elle prouve que l’on avait alors des connaissances et des règles grammaticales établies. Quant à l’autre cause que nous avons signalée, le rapprochement des peuples et des langues, elle agit avec une extrême énergie pendant plusieurs siècles; c’est la période des traductions et de l’enseignement public, période à beaucoup d’égards comparable à celle où nous vivons. La fondation du Musée d’Alexandrie, centre d’études comme il n’en a plus été créé depuis lors, remonte à cette époque. C’était un établissement hellénique, où l’on professait en langue grecque et pour des Grecs; mais le prodigieux développement du commerce international amenait au Musée et dans les grandes villes centrales nommées plus haut des hommes de toutes les nations de l’Orient, avec leurs costumes, leurs mœurs, leurs idées, leurs religions et enfin leurs langues. Ces langues, on les apprenait, comme eux-mêmes apprenaient le grec, et s’il y avait chez eux quelque livre dont la connaissance parût avoir une importance majeure, on le faisait passer de leur langue en langue hellénique. Ainsi furent composées la traduction grecque de la Bible dite des Septante, traduction qui nous est restée, et celle de l’Avesta de Zoroastre, qui est probablement à jamais perdue pour nous.

Nous savons que les études grammaticales se développèrent rapidement dans la période alexandrine; mais nous savons aussi qu’elles avaient suivi une marche progressive, et que ni les règles ni les termes de la grammaire ne furent créés d’un seul jet. Si l’imprimerie n’existait pas et que dans deux mille ans il ne restât de nos soixante dernières années que le traité de chimie de M. Thénard ou celui de M. Berzélius, on pourrait croire alors qu’ils ont d’un seul coup créé la chimie et la nomenclature chimique, tandis que l’une et l’autre sont dues aux travaux successifs d’un grand nombre de savans. Sans attribuer à Zénodote, premier bibliothécaire d’Alexandrie, ni à Aristote, qui l’avait précédé de cent ans, la création de telle règle ou de telle expression grammaticale, nous pouvons affirmer que la grammaire prit une forme définitive dans la période alexandrine. Nous possédons en effet de cette époque un véritable traité de grammaire, composé par un certain Denys le Thrace, qui fut un élève du célèbre critique d’Homère, Aristarque.

A partir de cette époque, on peut suivre à travers l’histoire la destinée des études grammaticales. Ce fut, dit-on, ce même Denys