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tion devrait être poussé jusqu’à ses dernières limites. Ainsi, en présence d’un morceau de craie ou de pierre à bâtir, le chimiste n’aurait pas satisfait notre curiosité, s’il se contentait de séparer l’acide carbonique de la chaux et de nous montrer ces deux composans dans deux vases séparés. Nous lui demanderions encore ce que sont ce gaz carbonique et cette chaux dont la réunion compose la craie. Il faudra donc qu’à sa première analyse en succèdent deux autres, et le travail ne devra s’arrêter que quand on aura la certitude d’avoir atteint les élémens simples et indivisibles de l’objet que l’on décompose. On voit que cette méthode, appliquée aux termes du langage, pourra conduire d’autant plus loin que la langue dont il s’agira sera composée de termes plus complexes. Soit par exemple le mot français constitutionnel. On établira d’abord qu’il renferme la forme d’adjectif el avec n redoublée et le mot constitution, une seconde analyse séparera la terminaison tion au moyen de laquelle nous formons des mots abstraits ; mais le verbe constituer n’est pas plus simple que ce mot, car il ne fait que présenter à la suite de constitu un autre élément qui caractérise l’infinitif de certains verbes. Seulement ce verbe a l’avantage de nous permettre de pousser l’analyse un degré plus loin et de retrancher la première syllabe, dont la présence indique que l’objet que l’on constitue renferme plusieurs parties mises ensemble en vue d’un résultat commun. Cette troisième analyse nous conduit aux mots statuer, station, état, au-delà desquels il faut recourir au latin, langue mère du français. Statuer, état, viennent en effet de status, qui signifie la situation d’une chose ou d’une personne qui se tient debout, et dans lequel l’analyse sépare aisément les deux syllabes; la seconde est une forme de substantif ou de participe, la première est une racine au-delà de laquelle il n’y a pas à remonter. Nous pouvons considérer l’analyse comme terminée, car si l’on ôtait de sta une de ses deux consonnes, on obtiendrait d’autres racines, sa et ta, dont la signification est absolument différente, et si l’on ôtait la voyelle, il ne resterait rien du tout, puisque la voyelle est absolument indispensable pour qu’une émission de voix puisse se produire. On voit par cet exemple comment procède l’analyse appliquée aux langues, comment elle sépare les parties des mots, et aboutit finalement à des élémens monosyllabiques.

Supposons qu’un travail de cette nature, poussé aussi avant qu’il est possible, ait été exécuté pour chaque mot d’une langue ancienne ou moderne. On possédera alors un immense tableau d’ana- lyses jetées pêle-mêle ou disposées, pour faciliter les recherches, dans un ordre quelconque arbitrairement choisi, par exemple dans l’ordre alphabétique. Un coup d’œil jeté sur les mots encore entiers fera reconnaître ces ressemblances extérieures que les grammai-