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drale avait été dissous par un arrêté de la convention. Obligé de se réfugier en France à la suite des troubles suscités dans l’ile par les partisans du général Paoli, il avait recherché et obtenu un emploi inférieur dans l’administration de l’armée que M. de Montesquieu commandait en Savoie. C’est de là qu’il partit, en qualité de commissaire des guerres, pour accompagner son neveu pendant ses campagnes d’Italie. Intéressé dans les fournitures de l’armée, vivant dans la société habituelle des généraux et des intendans militaires, il y avait, sans aller jusqu’au scandale, oublié peu à peu ses habitudes de prêtre[1].

Après le 18 brumaire, du jour où Napoléon, arrivé au pouvoir, souhaita de s’entendre avec Rome pour rétablir l’ancien culte, Fesch, soit qu’il y eût été invité par son neveu, soit qu’il se sentît intérieurement appelé à reprendre la carrière qui avait eu les préférences de sa jeunesse, se retira brusquement du monde. On le vit se mettre avec une ferme et méritoire persévérance sous la direction religieuse du respectable abbé Émery, supérieur général de Saint-Sulpice. En peu de temps, sa vie était devenue trop conforme aux devoirs de son état pour que sa nomination à l’archevêché de Lyon pût à bon droit choquer personne. On ne fut pas davantage surpris de son élévation au cardinalat. Lorsqu’il fut plus tard nommé à l’ambassade de Rome, des esprits trop inventifs s’imaginèrent que le premier consul méditait d’en faire un pape. Il est douteux que Napoléon y ait jamais songé. Embarrassé de s’ouvrir avec aucun de ses agens de ses projets sur le saint-père, le nouveau chef du gouvernement français trouvait simplement commode d’avoir à Rome un membre de sa famille. Fesch serait à coup sûr un intermédiaire moins habile, mais en revanche moins libre dans ses jugemens, moins dégagé de propos et d’allures que ne l’avait été le ministre indépendant dont nous avons déjà cité maintes fois les franches et originales dépêches. A défaut de qualités plus relevées, son oncle avait au moins ce mérite, auquel le premier consul commençait à sacrifier tous les autres, d’être en ses mains un instrument tout à fait docile. Ni le pape, désolé de voir partir M. Cacault, ni M. Cacault, si triste de quitter Rome, ne s’y trompèrent un instant. « On m’a rappelé, — disait M. Cacault après l’élévation de Napoléon à l’empire, mais avant la cérémonie du sacre, à son ancien secrétaire, M. Artaud, qui retournait à Rome servir sous les ordres du cardinal Fesch, — on m’a rappelé de peur que je ne contrariasse les vues du gouvernement, qui, un an d’avance, médi-

  1. « Je trouvai alors à Montebello, indépendamment des personnes dont j’ai parlé..., son oncle Fesch, alors intéressé dans les fournitures de l’armée, et qui, suivant le bruit public, vivait très peu en prêtre, dont il ne portait pas le costume » (Mémoires du comte Miot de Melito, t. Ier, p. 161.)