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ans, même après que la candidature du prince de Conti a disparu, c’est le thème invariable de sa politique « de soutenir les Polonais, et qu’ils se choisissent un roi à leur libre volonté. »

C’est pour cela qu’il envoie dès 1752 le comte de Broglie à Varsovie, qu’il multiplie les agens, qu’il noue toute sorte d’intelligences dans le pays, toute sorte de combinaisons dans les autres cours. C’est de cet esprit que s’inspirent les instructions particulières adressées à M. de Breteuil, rappelé à Saint-Pétersbourg par la révolution qui élève Catherine au trône : « Vous savez que la Pologne est le principal objet de la correspondance secrète... Vous savez déjà, et je le répéterai ici bien clairement, que l’objet de ma politique avec la Russie est de l’éloigner, autant qu’il sera possible, des affaires de l’Europe... » Et encore aux approches de l’élection de Stanislas Poniatowski, qui est le commencement de la fin qui atteste les progrès de l’influence russe, Louis XV à demi vaincu ne se lasse pas d’insister. « Si j’ai rappelé de Varsovie mon ambassadeur, écrit-il à M. de Breteuil, c’est qu’il n’était plus possible qu’il y restât témoin d’une assemblée aussi irrégulière et aussi illégitime que celle à laquelle le parti russe donne le nom de diète. Je ne continue pas moins à m’intéresser à ce qui regarde cette république. Ainsi la retraite de mon ambassadeur n’est point un abandon des affaires de Pologne... Le stolnick (Poniatowski) a parfaitement justifié ce qu’il vous faisait entendre sur les projets de changer la forme du gouvernement, et les résolutions de la prétendue diète l’ont assez prouvé. Ce doit être un nouveau motif pour toutes les puissances de s’intéresser au sort des patriotes qui défendent leur liberté et leur constitution, qui ne peut être changée que par le concours unanime de la nation et non par la seule volonté d’une puissance voisine qui dans ce moment-ci n’a en vue que d’opprimer la république de Pologne, afin d’étendre son despotisme dans le nord... »

Mais il y avait un homme chez qui cet intérêt pour les affaires de Pologne était bien autrement sérieux, bien autrement réfléchi : c’était le comte de Broglie. Avec une rare sûreté d’instinct, le comte de Broglie avait de bonne heure pressenti que là était pour le moment le nœud de la politique européenne, que la solution de cette question pouvait un jour ou l’autre fixer la mesure du progrès ou du déclin de l’ascendant diplomatique de la France, et ce qui traversait l’esprit de Louis XV comme une pensée heureuse, mais moins précise qu’il ne le croyait lui-même, prenait dans l’esprit du ministre secret la forme rigoureuse et coordonnée d’un système dont son ambassade à Varsovie avait été la première et vigoureuse application. Ce système eût été d’arrêter la Pologne sur le penchant de la ruine où la précipitaient ses dissensions, de réveil-