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La glace des glaciers n’est point visqueuse ni semi-liquide; mais elle est compressible et plastique. Nous savons tous, en nous rappelant nos souvenirs d’enfance, que nous pouvions faire des balles avec de la neige, qui n’est que de la glace divisée : nous nous souvenons aussi que ces pelotes devenaient d’autant plus petites que nous les comprimions davantage. Pourquoi ces flocons de neige pouvaient-ils s’agglutiner de manière à former un corps solide? Pourquoi ce-corps solide pouvait-il se comprimer, diminuer de volume et se modeler de manière à prendre la forme d’une boule, d’un homme, d’une maison? — Un grand physicien, Faraday, s’est emparé du fait dévoilé par le jeu d’enfant et lui a donné la valeur d’une expérience scientifique. Si dans de l’eau à zéro ou au-dessus de zéro vous mettez en contact des fragmens de glace et que vous les serriez l’un contre l’autre, ils s’agglutineront de nouveau, et si la pression est celle d’une machine hydraulique, c’est-à-dire équivalente à 40 ou 50 atmosphères, vous obtiendrez un morceau de glace compacte d’un très petit volume comparé à celui de l’ensemble des fragmens isolés; c’est ce phénomène que Faraday a désigné sous le nom de regelation, que nous traduirons en français par le mot regel. M. Tyr.dall a varié cette expérience : il remplit de fragmens de glace un cylindre creux en fonte et comprime fortement cette glace au moyen d’un cylindre plein qui entre exactement dans le premier; il obtient ainsi un cylindre de glace grisâtre, très dure et très compacte. Si l’on met ce cylindre dans un moule creux ayant la forme d’une lentille et qu’on le comprime de nouveau, il prendra la forme lenticulaire, et successivement on peut donner au même morceau toutes les formes imaginables, même celle d’une statue. La glace réduite en fragmens est donc compressible, ductile, malléable, et se transforme par la pression en un solide à texture homogène. — Ces expériences, répétées avec succès en France par M. Tresca, nous expliquent à la fois les pelotes de neige des enfans et la conversion de la neige en glace sous l’influence de la pression des parties supérieures des glaciers; elles nous font également comprendre la progression de ceux-ci. Pressé par le poids des parties supérieures, le glacier marche ou plutôt est poussé en avant. Sa masse plastique se moule sur la vallée qui la contient : arrivée à un rétrécissement, elle force le passage en s’étirant dans la filière, sous l’influence de la pression : en face d’un obstacle, elle se redresse, et la rapidité de la progression est en raison non pas seulement de la pente, mais de la masse, du poids des parties supérieures qui la favorisent et des obstacles qui la contrarient. Près d’un promontoire, elle est ralentie, et le glacier le contourne non pas d’une seule pièce, mais en se tordant pour ainsi dire sur lui--