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cier est une masse tourmentée, déformée, gauchie dans sa progression, on comprend que les observateurs aient trouvé des bandes bleues avec toutes les inclinaisons imaginables.

Ici se termine l’exposé des recherches les plus importantes qui se sont faites depuis vingt ans environ sur la structure et la progression des glaciers actuels. En Angleterre, elles ont excité un grand intérêt, d’abord parce que le nombre des voyageurs qui aiment, parcourent ou étudient les glaciers est infiniment plus grand qu’en France ou en Allemagne, ensuite parce que les belles expériences de MM. Faraday, Tyndall et Thomson ont montré comment, dans son étroit laboratoire, le physicien peut reproduire, contrôler et expliquer les phénomènes qui s’accomplissent sous nos yeux dans le grand laboratoire de la nature.


V. — OSCILLATIONS DES GLACIERS DANS LES TEMPS HISTORIQUES.

Un glacier, étant un fleuve de glace, avancerait sans cesse dans la vallée où il aboutit, si la fusion de son extrémité inférieure ne compensait les effets de la progression. Pour que le glacier ne marche pas et reste immobile à la même place, il faut nécessairement que la progression et la fusion se contre-balancent mutuellement. Ainsi, pour fixer les idées, si le glacier progresse de 80 mètres par an, il faut que 80 mètres de l’extrémité disparaissent par la fusion pendant la belle saison. Quand la progression l’emporte sur la fusion, le glacier avance; quand c’est l’inverse, il recule : c’est ce qu’on appelle l’oscillation annuelle des glaciers. Sur le petit glacier du Faulhorn, ces effets étaient parfaitement appréciables ; en 1841, il avait 36 mètres de long sur 72 de large, en 1842 60 sur 148. En 1844, il avait crû de 17 mètres en longueur et de 29 en largeur, et son escarpement terminal s’était élevé de 10 à 20 mètres : il avait donc augmenté de volume pendant ces trois années; mais quand je le revis, après l’été très sec et très chaud de 1846, il n’avait plus que 59 mètres de long sur 157 mètres de large. En 1852, M. Hogard en estima la longueur à 91 mètres et la largeur à 154, mesures qui dénotent un nouvel accroissement.

Les glaciers de Chamonix présentent actuellement un exemple de retrait des plus remarquables. Depuis 1846, ils n’avaient cessé de progresser, et en 1854 ils s’avançaient dans la vallée d’une manière inquiétante. Les habitans du hameau des Bossons, menacés par les progrès du glacier du même nom, délibérèrent s’ils abandonneraient leurs maisons; mais à partir de 1854 des étés chauds et surtout des hivers sans neige ont amené un retrait considérable. Ainsi le glacier des Bossons a reculé depuis douze ans de 332 mètres.