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deux autres centres éruptifs avaient repris à peu près leurs allures habituelles.

Tous ces faits s’expliquent facilement si l’on suppose que l’écorce terrestre est entaillée sur sa face interne de sillons rectilignes très allongés s’élevant ou s’abaissant à la partie supérieure suivant une ligne tourmentée, irrégulière, et assez profondément creusés en quelques points pour offrir des conduits qui pénètrent au travers des couches du sol et débouchent au dehors. Les cratères volcaniques ne seraient autre chose que les orifices extérieurs de ces conduits, et l’alignement régulier qu’ils présentent correspondrait à celui des sillons dont ils tirent leur origine. De là, entre les volcans d’un même groupe, des facilités de communication plus ou moins grandes. Tantôt les manifestations de l’un sont étroitement liées avec celles des autres : on en conclura que le sillon commun d’implantation est libre sur une grande étendue. Tantôt au contraire ils offrent une certaine indépendance réciproque, une éruption en un point ne se fait sentir qu’à un faible degré, ou même ne se fait pas sentir du tout dans les points voisins : alors on sera naturellement conduit à penser qu’une partie de la fissure souterraine est obstruée, et que la communication entre les cheminées volcaniques ne s’opère qu’à une grande profondeur.

Il m’a été récemment donné, en visitant les points de la Grèce qui ont été à différentes époques le théâtre de phénomènes éruptifs, d’apporter des preuves nouvelles à l’appui de cette théorie. Après avoir étudié, sur place l’éruption de Santorin[1], j’ai voulu rechercher l’influence qu’elle exerçait sur la nature et l’intensité des manifestations volcaniques dans les régions voisines et acquérir ainsi des données nouvelles sur la structure de l’écorce terrestre en ce point et sur la manière probable dont les éruptions s’y étaient produites.

Les Cyclades, au groupe desquelles appartient Santorin, au lieu d’être disposées en cercle autour de Délos, l’une d’elles, comme le croyaient les anciens, sont distribuées sur trois lignes droites parallèles, dirigées sensiblement du nord-ouest au sud-est. Les deux rangées les plus septentrionales, dont font partie Délos, Syra, Paros et Naxos, sont exclusivement composées de roches métamorphiques[2] ; mais la rangée méridionale, formée par Santorin, Policandros, Polino, Kimolo et Milo, constitue un groupe naturel, presque entièrement d’origine volcanique. En outre la même direction prolongée vient rencontrer les côtes du Péloponèse aux environs de l’isthme de Corinthe, et là encore se trouvent deux localités où se fait sentir l’action des forces souterraines : ce sont la soufrière de Sousaki, située sur l’isthme même, et la presqu’île de Méthana, réunie par une

  1. Voyez la Revue du 15 août 1866.
  2. On donne ce nom à des roches engendrées au sein de l’eau, mais transformées ensuite par l’action de la chaleur centrale et le voisinage de quelque évent volcanique.