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presque pur ; il n’est mélangé que d’une proportion extrêmement faible d’hydrogène sulfuré. Cette eau, dont les anciens avaient déjà reconnu l’efficacité, possède des propriétés thérapeutiques énergiques qui mériteraient d’être utilisées. Près du petit port de Vromo-Limni, au sud de Méthana, sur le rivage même et au pied d’une butte de calcaire métamorphique, s’échappe une seconde source sulfureuse très abondante. L’eau qui en provient possède une température de 27 degrés ; elle est alcaline et exhale une forte odeur d’acide sulfhydrique, ce qui a valu à ce lieu le nom qu’il porte (Vromo-Limni, marais fétide). On n’y observe aucun dégagement gazeux. Ce petit port de Vromo-Limni, protégé par une jetée naturelle de rochers trachytiques, est un excellent abri pour les navires d’un faible tonnage. L’eau de la mer, mêlée à celle de la source, y est à la fois saumâtre, sulfurée et alcaline, et malgré cela les poissons et les mollusques y pullulent d’une façon merveilleuse.

En remontant vers le nord le long de la chaîne trachytique qui traverse le pays, on parvient dans un endroit dont le nom m’avait frappé en le lisant sur la carte. Il s’appelle Kaméni-Pétra (pierre brûlée). Rien qu’en voyant ce nom, j’étais demeuré convaincu qu’il devait désigner un lieu signalé par des phénomènes volcaniques de date récente. Mon espoir ne fut pas déçu. Une montagne conique s’y élève, composée de blocs de lave entassés ; au pied s’étale une coulée peu étendue, qu’on dirait produite tout dernièrement, tant elle est fraîche et tant elle ressemble à certaines coulées modernes du Vésuve et de l’Etna. Au moment où, par une pluie battante et après une longue marche, nous parvînmes en vue de ce mamelon, des traces si évidentes d’une éruption peu ancienne, le désir de connaître la configuration de la partie culminante du cône me remplirent d’une ardeur indicible. Laissant mes compagnons chercher un abri au hameau voisin, je m’élançai le long des pentes escarpées du monticule, que je gravis presque en courant. Arrivé sur la crête, trempé, hors d’haleine, assez grièvement blessé par un bloc de lave qui s’était détaché devant moi et avait failli m’écraser, je ne pus m’empêcher de battre des mains et de pousser un cri de triomphe. J’avais devant les yeux un large cratère, le plus beau qu’il m’eût encore été donné de contempler, et certainement le lieu de la fameuse éruption décrite par Strabon et chantée par Ovide. À mes pieds s’ouvrait une vaste cavité régulièrement arrondie, ayant environ 150 mètres de diamètre, 60 mètres de profondeur et présentant la forme d’une coupe dont le rebord serait garni de dentelures aiguës. Le fond en a été envahi par une splendide végétation de lauriers-roses, de myrtes et de pistachiers au feuillage d’un vert sombre. Les parois ne sont pas formées par une accumulation de matières projetées, comme il arrive dans la plupart de nos volcans modernes ; elles sont constituées par une roche compacte, fendillée, cristalline, taillée à pic vers l’intérieur du cratère et renversée au dehors,

La situation du cône de Kaméni-Pétra, la hauteur au-dessus du niveau