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confiance dans les destinées de la France. C’est au nombre de ceux-là que nous voulons être.

Il faut aujourd’hui se poser avec une entière sincérité de cœur cette question : que veut la France ? L’existence politique d’un grand peuple moderne est double : elle est intérieure et extérieure. La vie intérieure consiste dans le degré d’activité et de puissance suivant lequel un peuple participe à son gouvernement. La vie extérieure consiste dans l’influence qu’un peuple exerce sur les affaires qui lui sont communes avec les autres nations. Où la France doit-elle vouloir en ce moment porter l’effort principal de son application ? Son intérêt, son honneur, sa sécurité, l’engagent-ils à s’abstenir d’une participation active et directe à son gouvernement intérieur ? doivent —Ils l’exciter à chercher l’emploi de son génie, de ses ressources et de ses forces dans les complications et les vicissitudes des entreprises étrangères ? Mais la condition intérieure d’une nation et la conduite de ses affaires au dehors sont liées entre elles par un rapport de dépendance réciproque. Les aventures étrangères sont des diversions au travail constitutionnel intérieur ; elles entraînent l’abdication temporaire de l’initiative du pays dans l’inspiration et le contrôle des actes du gouvernement. C’est justement en se laissant aller aux ambitions indéterminées de la politique étrangère qu’un peuple s’assujettit aux caprices et aux erreurs du pouvoir arbitraire ; il perd en fait de liberté tout ce qu’il s’imagine devoir gagner de grandeur extérieure, et il ne tarde point à s’apercevoir qu’il a compromis en sécurité vis-à-vis du dehors tout ce qu’il a sacrifié de liberté au dedans.

Tel est l’enseignement saisissant qui ressort de la récente expérience de la France. La France depuis quinze ans ne fait plus, à proprement parler, de politique intérieure ; les citoyens, arrêtés par des restrictions nombreuses imposées à la liberté de discussion, d’association et d’action électorale, ou par leur propre mollesse, ne travaillent plus à exercer sur l’administration et le pouvoir une influence vigilante et assidue. On détourne son attention du dedans pour la reporter sur les aventures du dehors. Un fait incontestable et bien digne de remarque, c’est que, si le pays a pris un grand intérêt depuis quinze ans aux événemens de la politique extérieure, il y a conservé une attitude parfois anxieuse, parfois satisfaite, mais toujours passive. Imprudent ou habile, malheureux ou heureux, aucun acte de la politique étrangère du gouvernement n’a été inspiré par une passion ou par une volonté du pays. La France semblait avoir donné au pouvoir un blanc seing, et se montrait décidée à’laisser faire. La France à coup sûr ne songeait point à la rénovation de l’Italie avant l’entrevue de Plombières et l’allocution à M. de Hiibner. Elle pensait bien moins encore à la conquête du Mexique. Elle n’avait aucune idée du débat sur la Pologne qui a rempli l’année 1863. Elle n’était point instruite de la question du Danemark, et ne pressentait pas qu’une révolution allemande pouvait sortir du